La montée en ligne du 28e Régiment d’Infanterie par Alain ARCQ

La montée en ligne du 28e Régiment d’Infanterie (RI)

La 11e brigade d’infanterie, commandée par le général Hollender, est composée de deux régiments dont les garnisons sont à Aubervillers – Bernay pour le 24e R.I. et Saint-Denis – Évreux pour le 28e RI. Ces régiments sont composés de recrues et d’hommes d’active venant de Normandie, de Paris et de Bretagne.

Evreux 1

Collection © Alain Arcq

En temps de paix, le 28e RI se compose de 18 officiers et 1069 hommes de troupe : 8 adjudants et adjudants-chefs, 4 sergents-major, 4 sergents-fourrier, 49 sergents, 116 caporaux, 4 caporaux-fourrier, 867 soldats, 16 tambours et clairons et 1 médecin auxiliaire.

En date du 6 août, après la déclaration de guerre, cet effectif du régiment est porté à son maximum, c’est-à-dire 61 officiers et 3133 sous-officiers et soldats.

Cette mobilisation réalisée dans les meilleurs délais, s’est faite avec entrain. Le soldat français croit que la guerre sera de courte durée et son envie de prendre enfin la revanche de 1870 aiguise l’impatience de « tâter » de l’ennemi.

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Admirez l’ordre de la chambrée sans armoire…
Collection © Alain Arcq

Les fractions parisiennes du 28e RI embarquées à Becon-lèz-Bruyères et le 3e bataillon à Évreux-Maillot doivent se rejoindre dans le département des Ardennes.

Comme dans toute la France, le départ s’est fait dans l’enthousiasme comme le raconte ce caporal anonyme du 2e RI qui laissa son manuscrit à Charleroi : « Dans les rues nous fûmes salués avec autant d’enthousiasme que nos camarades du 1er bataillon. On nous jetait des fleurs que les soldats mettaient au bout de leurs fusils et à leurs képis. Tout le monde chantait la Marseillaise et le Chant du Départ. »

Pendant une quinzaine de jours, le régiment au complet va parfaire son instruction en accomplissant, entre autres, de pénibles marches avec équipement complet sous le chaud soleil d’été. Le « barda » ne pouvant être abandonné, les cantonnements et bivouacs se font « à la belle étoile » et la cuisine par escouade car la « roulante » n’existe pas à cette époque.

Le 7 août, le régiment prend le train. Les hommes embarquent dans les larges wagons à bestiaux, simplement munis de râteliers pour placer les fusils Lebel et d’étroites banquettes en bois.  Le convoi passe par la gare de Creil, puis atteint Compiègne, Soissons, Laon et Reims. Les hommes sont exténués et dorment dans des positions très inconfortables, bercés par les trépidations du train. Les hommes débarquent finalement le 8 août à Rethel.

itineraire 28e

Itinéraire du 28e Régiment d’Infanterie
© HISTORIC’ONE avec nos remerciements

Le régiment franchit la frontière à Macquenoise, le 17 à midi. Jour inoubliable pour beaucoup. Couleurs déployées, baïonnette au canon, les fiers soldats du 28e défilent, au son de la Marseillaise et de la Brabançonne devant le général commandant le corps d’armée sous les acclamations de la population. Les Belges ne savent comment montrer leur joie et manifestent leur sympathie en offrant bière, vin, lait, café et tabac. Le régiment bivouaque le jour même à Eppe-Sauvage, le 18 à Sautain, le 19 à Cour et Ham-sur-Heure pour se retrouver le 20 à Jamioulx.

Les marches effectuées depuis le 17 août sur le sol belge, bien que rendues fatigantes par la chaleur, ont aussi été soutenues par l’enthousiasme et l’accueil de la population. C’était l’époque de la « rose au bout du fusil » qui faisait de chaque soldat français un sauveur. Comme le commandant Thierry d’Argenlieu le mentionne, « des noms illustres, des noms de villages dont on est maintenant proche : Sombreffe, Wattignies, Jemmapes, Fleurus, Ligny, Waterloo hantent les imaginations ». Les hommes pensent qu’ils vont bientôt franchir la Sambre et attaquer l’ennemi dont ils ne savent presque rien sinon qu’il est proche.

Dans la nuit du 18 au 19 août, le 28e reçoit l’ordre d’opérations n°16 pour la journée du 19. Un détachement mixte composé d’une brigade provisoire de cavalerie, des 1er et 3e bataillons du 28e RI et d’une batterie du 22e RA devra marcher par Gozée sur Charleroi. La mission de ce détachement est de tenir les passages de la Sambre de Marchienne-au-Pont à Lobbes, et de couvrir la gauche du corps d’armée jusqu’à l’arrivée du 18e corps chargé de couvrir cette région.

D’après le Journal des Marches et Opérations (JMO) du 20 août, un compte-rendu adressé au colonel commandant le 28e RI signale que le 1er bataillon occupe la position de Landelies à Marchienne-au-Pont avec les 3e et 4e compagnies à Montigny-le-Tilleul tandis que le 3e bataillon s’étend de Landelies à Thuin avec deux compagnies en réserve à Montigny-le-Tilleul ; le reste du régiment étant encore stationné à Jamioulx. C’est là qu’une sentinelle tue un officier de hussard prussien (hussards de la mort) qui vient de pousser une reconnaissance par infiltration un peu trop hasardeuse. C’est la première rencontre avec l’ennemi, le premier coup de feu, le premier mort que voit le 28e.

Le 21 août, journée chaude et orageuse, le 28e compte encore 61 officiers et 3116 hommes. Les pertes sont les suites de blessures légères et/ou de maladies. Le régiment n’a pas encore été engagé. Dans la matinée, le colonel reçoit l’ordre de porter le 2e bataillon sur Nalinnes et apprend que les deux autres bataillons l’y rejoindront. A 14 heures, le 3e bataillon se met en route pour rejoindre le reste du régiment. Itinéraire : Gozée, Beignée où est pris le cantonnement. A peine arrivé sur place, il reçoit un nouvel ordre de retourner sur Jamioulx. « A 17 heures, on repart Nalinnes, Jamioulx, Montigny-le-Tilleul, Landelies où nous retrouvons le reste du Régiment. » dit le sous-lieutenant Guillebot de la 10e compagnie du 3e bataillon.

Une fois dans cette localité, c’est en voiture automobile que le régiment et même la brigade devraient être transportés au Nord de la Sambre. En réalité, c’est à pied que le 28e est dirigé sur Marchienne-au-Pont et Fontaine-l’Évêque. Dans cette ville, la population les accueille en leur offrant des boissons que les soldats, assoiffés par l’ardeur du soleil, reçoivent avec reconnaissance.

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Compagnie où figure le lieutenant Molénat. Probablement juste avant la guerre.
Collection © Vincent Le Calvez

Mais le 28e n’a pas fini ses mouvements. La guerre se fait avec les jambes des soldats…comme du temps de la Révolution et de l’Empire !

L’ordre que reçoit le colonel Allier ne laisse guère de repos à ses hommes. Un bataillon est dirigé sur Courcelles, un sur Chapelle-lez-Herlaimont et le troisième sur Souvret. Ils arrivent en position vers une heure du matin en date du 22 ! C’est la ligne de défense Motte-Souvret-Bascoup, localités qui commandent les principales voies d’accès vers le sud. Le 24e RI est tenu en deuxième ligne vers Anderlues-Trieux. L’objectif de ce déploiement est de recueillir le corps de cavalerie du général Sordet qui se replie vers les passages de la Sambre. Dès qu’il n’a plus signe des trains du général Sordet qui viennent de se replier, le général Hollender, qui s’est porté à Souvret, juge prudent de ramener le 28e RI à hauteur du 24e. La mission de couverture des 1ère, 3e et 5e divisions de cavalerie (du général Sordet) qui devaient se rendre à Merbes-le-Château étant terminée, les trois bataillons se mettent en route vers Fontaine. Ils ont ainsi parcouru 15 kilomètres le matin et deux fois 10 kilomètres l’après-midi et la nuit, soit 35 kilomètres !

Le 22 août, vers deux heures et demie, les deux régiments quittent leurs positions respectives et « en formation articulée » :

  • le 2e bataillon occupe les positions du Calvaire à Anderlues à l’ouest de Fontaine-l’Évêque,
  • le 1er bataillon s’installe à Viviers, à proximité du quartier général du général Hollender,
  • le 3e va s’installer vers 5 heures du matin au sud-est de Fontaine-l’Évêque, soit à Leernes et se retrouve ainsi complètement isolé du dispositif français.

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