Rathweg (Le soldat)

 

Du MISSISSIPI
à FONTAINE-L’ÉVÊQUE,
le périple du soldat Rathweg ( 1943-1945)

Présenté par Michel Mairiaux

 

L’Etat-major et la Compagnie Service( HQ & SV Co.) furent officiellement activés le 16 décembre 1943 au centre
d’entraînement Flora dans le Miss[issippi] en accord avec le T/O et E9-316.
Les recrues venaient de Fort Benjamin Harrison, Fort Mc Pherson , Fort Hayes, Fort Thomas et Camp Beaureguard ;
la plupart du cadre venait du Camp Santa-Anita, de Abeerden Proving Group et Camp Perry.


L’entraînement de base commença pour les recrues qui entrèrent de plein fouet dans « les pourquoi ? Et les comment ? »
de la vie militaire.
Fermiers, employés de bureau, libraires, vendeurs, peintres, mécaniciens, agents d’office, se trouvaient sur un pied
d’égalité et ce qu’ils avaient fait antérieurement était du passé ; seuls ne comptaient plus maintenant qu’une grosse voix
de commandement et un temps à respecter pour exécuter les exercices de drill.
Leur fin journée de 16 h. à 18 h. consistait habituellement en conférences, [gymnastique], lectures, couture, lettrage,
manuels d’armement, maintien de l’ordre, et autres réalisations de petits travaux de détails qui font le charme de l’armée !
Les soldats apprenaient à vivre au milieu d’une centaine d’autres hommes, avec une masse de consignes qui leur
rappelaient qu’ils n’étaient plus des individualités mais un rouage qui faisait partie d’une vaste machine.
Leur vocabulaire s’étoffa, leurs maisons étaient « les baraques », leur fusil, « un pétard », leur lit, « le sac », et
la nourriture, « la boustifaille »


Les huit semaines de base se terminèrent et nous constituèrent une section d’entretien technique dont les cours étaient
bien planifiés dans diverses disciplines.
Pendant six mois, nous passâmes la majeure partie de notre temps dans des salles de classe à apprendre les métiers
variés sensés être adaptés à notre compagnie.. : travail du cuir, garniture (tapisserie), outillage, plomberie, charpentage,
dactylographie et travail de bureau militaire, maintenance de véhicules, machinerie.
L’apprentissage technique terminé, ce fut le temps de la permission, nous avons signé celle-ci et sommes partis pour deux
semaines de repos à la maison (28.O4.44)
Le 18 mai, l’Etat-major et la Compagnie de Service arrivèrent au Centre militaire d’unité d’entraînement de Red Rider
au Texas.
Nous savions maintenant que notre bataillon était destiné à des missions d’outre-mer, dans un proche délai. Un vigoureux programme de tactiques d’opérations et d’achats de matériel commença.
Le Red Rover post, acheva notre formation : attaque en rase campagne, manoeuvre avec gaz chimique, façon de se
débrouiller et de survivre, combat de rue, déploiement en tirailleurs, pratique de la cible, gardes de nuit dans nos magasins bien achalandés.
Maintenant la tension montait vite dans la compagnie, les inspections étaient organisées journellement et les rumeurs
allaient bon train comme quoi nous allions bientôt partir par delà des mers.
Nous nous entraînâmes jusqu’au soir du 21/7 et prirent, voyageant [en convoi] la direction N-E.
Nous arrivâmes en deux jours à Fort Slocum Ny (New- York), un endroit rêvé qui restera longtemps comme le meilleur
poste que nous ayons rencontré.
Les quartiers étaient confortables et la nourriture excellente, combinés à un généreux système de pass qui nous autorisait
à profiter avantageusement de nos deux dernières semaines au pays.
Pour beaucoup d’hommes de notre compagnie, c’était la première fois qu’ils voyaient Ny City et ils s’en donnèrent
à coeur joie tirant un maximum de ce que la ville pouvait , à offrir et à boire.
L’après-midi du 6 août, chargés de nos paquetages et de nos sacs de couchage nous montions à bord d’un ferry qui
nous emmena de Long Island jusqu’au Pier 6O ,la jetée du port de Manhattan.
De là, nous grimpions la passerelle de l’ancien croiseur de luxe Aquatania qui nous conduisit à travers l’Atlantique
profitant d’un nouveau repos de six jours de traversée.
Nous arrivâmes dans l’estuaire de la rivière Clyde le 13 août et avons débarqué le 14 sur le sol écossais.
Là, nous sommes montés à bord d’un train qui nous conduisit jusque Tidsworth en Angleterre.
L’Etat-major et la Compagnie de Service furent cantonnés dans un secteur appelé Parham Downs.
Nous y installâmes notre nouvelle résidence et commençâmes nos missions d’outre-mer.
Nous réalisâmes que ce que nous avions appris durant des mois ne correspondait pas exactement à la réalité
de l’autre côté du channel.
Après deux mois au Dépôt 0-640, nous fûmes alertés par les mouvements de la guerre qui se déroulaient sur le continent.
Le 14 octobre, notre convoi de véhicules spécifiques quitta Southampton et traversa le channel.


Les deux semaines suivantes ne furent pas un pique-nique, durant ce temps nous vécurent dans la boue et les débris
de Omaha Beach [plage de débarquement en Normandie].
Les rations « C et K » étaient notre nourriture principale durant cette période mais l’ordonnance avait été correcte
et nous traversâmes ces deux semaines, sains et saufs.

Pour nous le voyage à travers la Manche et la France fut mémorable.
Nous jetions notre tout premier coup d’œil sur un territoire qui avait été occupé par les troupes allemandes.
La ruine et la désolation pouvaient se voir de chaque côté de la route.
Durant les deux semaines suivantes, la compagnie assembla graduellement un renfort d’unité dans la ville du Mans,
la cité rose, où nous logions dans les locaux des employés de l’usine Renault qui avait là son implantation..
Notre séjour au Mans fut court mais nous donna toute la chance d’utiliser notre français oublié depuis longtemps
et nous aurions même pu le perfectionner à la Haute Ecole française.
Nous fîmes connaissance pour la première fois avec l’excellent champagne français [boisson qui deviendra,
encore aujourd’hui, préférée de la famille Rathweg]
Là aussi, nous pûmes comparer la qualité du « vin blanc » avec celle » du vin rouge »[en français dans le texte]
A la mi-novembre, nous étions de nouveau sur la route et nous arrivions à Liège, en Belgique.
Nous étions cantonnés dans une petite école rouge à Saint-Nicolas tandis que les ateliers étaient en bas de la ville
de Liège.
Chacun s’investissait dans sa tâche avec enthousiasme.
Comme cela était prévu, c’était notre première occasion de mettre en place notre propre installation de maintenance.
Jusqu’à présent nous avions fonctionné à l’arrière dans des conditions ordinaires, loin des combats.
Au lieu de cela, nous étions maintenant installés avec notre atelier à 20 miles (un mile =1609 m) du territoire ennemi,
ce qui représentait une courte distance mais notre implantation ne posait aucun problème.
Lorsque l’offensive von Rundstedt se déclencha, elle bouleversa complètement la donne et fait de Liège un objectif
de l’armée allemande.
La ville subit les attaques de bombes volantes que nous pouvions observer. Avec la percée des Allemands, les explosions
pouvaient être entendues à intervalles de 5 minutes mais les dégâts causés par ces robots, nous pouvons en rire maintenant, malgré notre respect et notre honneur.
Tandis que l’attaque de la cité devenait évidente, nous devions évacuer Liège. Ainsi du 23 au 27.12.44 nous fûmes
toujours engagés dans la tâche gigantesque d’emballage et chargement de notre machinerie et de notre équipement
pour faire une retraite vers Fontaine-l’Évêque, un court déplacement cette fois de 70 miles.
Cependant lors de nos derniers jours à Liège, le point culminant de nos deux mois agités, fut marqué
par le bombardement de notre atelier.
Bien que les dommages causés au bâtiment furent cette fois considérables, aucun de nos hommes ne s’y trouvait
à ce moment là.

A Fontaine-l’Évêque, grâce aux efforts et à la coopération de notre organisation, le bataillon atteignit un maximum d’efficacité.
Chaque section opérait à plein régime, l’ingéniosité, l’improvisation et toutes les ressources étaient déployées dans l’effort
pour réorganiser des ateliers performants et rester à la pointe de la production .[terme on ne peut mieux choisi
à Fontaine-l’Évêque !]
Durant la période entière, le 143 ème  OBAM fut la seule unité de ce type à fournir la 1ère, 3 ème et 9 ème armée [en pleine bataille des Ardennes] avec des axes de transmission, cylindres de transfert, assemblages de direction tellement indispensables pour nos lignes avançant constamment sur le front.
Dans les quelques premiers mois de 1945, le 143 ème  se fit un nom et reçut des compliments verbaux et écrits des armées
que nous soutenions.
Toutefois nous dûment subir une perte dans nos effectifs, certains de nos hommes durent remplacer ou relever les soldats
d’infanterie et il s’avéra nécessaire pour nous, de faire l’écolage de nouveaux renforts qui prirent leur place.
C’est à Fontaine-l’Évêque que le bataillon passa sa plus longue période d’activité au même endroit, approximativement
5 mois.
Bien que nous fussions très occupés, durant cette période, nous avons apprécié l’hospitalité et l’amitié du peuple belge.
Le 01.05.45, la majorité de notre compagnie quitta Fontaine-l’Évêque pour Ober Ursel, en Allemagne pour préparer
les nouveaux ateliers puis accueillir le reste du bataillon qui suivait peu de temps après.
Mais avec la fin de la guerre en Europe, le 8 mai, le statut du bataillon fut changé et nous fûmes placés sur un plan d’unité
à redéployer sur la scène des combats du Pacifique.
Du coup, notre séjour en Allemagne fut court et une fois de plus nous fîmes nos bagages et repartirent vers la France
pour arriver finalement au camp de Clevelandon, [ en Angleterre], le 27 juin.
Là nous recommençâmes notre processus de redéploiement. Cela ne prit pas beaucoup de temps et nous nous trouvâmes
avec plus de temps libre que nous n’en avions jamais connu auparavant. Nous nous attendions à partir assez vite
mais notre séjour dura trois mois jusqu’à l’annonce de la cessation de la guerre avec le Japon, il devenait évident
que nous n’irions pas sur le théâtre des opérations du Pacifique.

Avec la fin de toutes les hostilités, nous retournâmes à nouveau en Allemagne (non loin de la Suisse) à Karlsfeld,
le 10 septembre.
Au moment où j’écris, nos forces stationnées au dépôt de Karlsfeld ne représentent plus celles de la compagnie
que nous avions connue, les gradés et les hommes ayant atteint la limite d’âge ont été transférés dans d’autres unités
qui retournaient aux States.
Les hommes qui restaient accomplissaient une fois de plus leur mission dans le pays qu’ils avaient été chargés de défaire et fait.

Russel Rathweg

Ce texte a été récupéré par Mme Reine Lejong lors d’un récent séjour dans la famille du soldat Russell Rathweg à Dayton
dans l’Ohio, il a été traduit de l’américain par Nathalie Henry et adapté dans sa version française par Michel Mairiaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait revue N° 10