19. Occupation belge de la Rhénanie 1918-1929

Poussée à la reddition par un mouvement social de révolte, l’Allemagne ne fut pas vaincue par les armes. Las de perdre des fils, des privations de toutes sortes, des brimades de l’aristocratie, le peuple ne voulait plus d’empereur, plus de kaizer. Sous la poussées des troupes alliées, les soldats allemands reculaient mais résistaient encore aux coups de force. Et ce fut l’armistice du 11 novembre 1918…

Médaille belge de l'occupation de la Rhénanie 1918-1929. Collection Alain Arcq

Médaille belge de l’occupation de la Rhénanie 1918-1929.
Collection © Alain Arcq

Lors de la Conférence de la Paix, les discussions sont vives concernant les frontières occidentales de l’Allemagne. Désireuse d’empêcher une nouvelle invasion allemande, la France impose position mais deux tendances s’opposent : – la tendance « dure », autour du maréchal Foch, qui préconise d’amener la frontière franco-allemande sur le Rhin ce qui implique l’annexion de la rive gauche allemande (Rhénanie, Sarre). – la tendance « modérée », autour de Clemenceau et Poincaré, qui préconise aussi d’amener la frontière allemande sur le Rhin mais sans annexion, les populations rhénanes formant un ou plusieurs États indépendants sous la protection de la SDN.

Cachet poste

Cachet de la poste militaire belge en Rhénanie daté de 1923.

Ces propositions sont rejetées par le 1er Ministre britannique Lloyd George et le Président des États-Unis Wilson qui offrent en échange une occupation par les Anglais, les Américains, les Belges et les Français de la rive gauche du Rhin (Rhénanie), démilitarisée et divisée en trois zones, les charges d’occupation étant supportées par l’Allemagne. Leur évacuation, liée au paiement des réparations, est échelonnée sur 15 ans à compter de janvier 1920. Britanniques et Américains offrent en outre une garantie d’intervention en cas d’agression allemande. Foch, très méfiant vis à vis du pouvoir civil, proteste vivement tandis que Clemenceau demande des compensations en Sarre. Pour éviter la rupture, la France accepte le compromis suivant : – le territoire de la Sarre sera séparé de l’Allemagne et administré pendant 15 ans par une Commission de Gouvernement nommée par la SDN. Au terme de ce mandat, une consultation des habitants par plébiscite fixera le statut de ce territoire (maintien du régime international ou rattachement à la France ou retour à l’Allemagne). – pour compenser les destructions causées par les Allemands dans les mines du Nord et du Pas-de-Calais, la France obtient l’exploitation des mines sarroises.

Ainsi, la Rhénanie allemande va être occupée militairement par la France, la Belgique, la Grande-Bretagne et les États-Unis conformément au traité de Versailles, une Haute Commission Interalliée spécifique à ce territoire étant chargée de l’administrer. Cette occupation avait pour but de faire pression sur l’Allemagne pour qu’elle applique de façon rigoureuse les clauses du traité de Versailles relatives à son désarmement et au paiement des réparations financières.

La France n’en reste pas moins insatisfaite: elle dû renoncer à sa « frontière stratégique » sur le Rhin et les Anglo-Saxons n’ont pas ratifié leur promesse de garantie. Aussi, dans le courant de l’été 1922, le gouvernement français dirigé par Poincaré refuse les manquements allemands en matière de réparations. Pour obtenir des gages, les troupes françaises et belges occupent la Ruhr à partir de janvier 1923. Cela entraîne les protestations du gouvernement allemand, des actions violentes menées par les mouvements d’extrême-droite et l’accentuation de la débâcle financière du pays. La France y répond avec la plus grande fermeté et fait plier le gouvernement allemand qui finit par renoncer à la résistance passive.

Tandis que le plan Dawes réorganise le paiement des réparations et permet le rétablissement financier de l’Allemagne, en France, la victoire de la Gauche aux élections de mai 1924 entraîne un changement de position : l’heure est au rapprochement franco-allemand. La Ruhr est logiquement évacuée au cours de l’été 1925 tandis qu’en août 1929 la signature des accords de la Haye entérine non seulement le plan Young, élaboré en mars, mais aussi l’évacuation par les Alliés (dont les forces belges) de la Rhénanie échelonnée entre septembre 1929 et le 30 juin 1930 au plus tard, soit 5 ans avant le terme fixé à Versailles.

Médaille belge de l'Armée du Rhin 18-29Collection Alain Arcq

Médaille belge de l’Armée du Rhin 18-29
Collection © Alain Arcq

Que serait devenue notre Histoire si l’occupation de la Rhénanie eut duré ne fut-ce que dix années de plus ? Un certain Chancelier Adolf Hitler n’aurait pu réoccuper militairement ces territoires le 7 mars 1936…

C’est en 1929 que les troupes Belges quittent le territoire allemand, que naissent des groupements ou amicales de camarades qui voulaient se retrouver en Belgique.

Ancienne publicité de l'U.N.A.O.

Ancienne publicité de l’U.N.A.O.

Parmi ceux-ci:

F.A.O.R.: Fédération des Anciens de l’Occupation du Rhin, ex-F.A.O.O. fondée à Aachen (Aix-La-Chapelle) en 1929.

F.A.A.R.: Fédération des Anciens des Armées du Rhin fondée en 1935.

A.G.A.R.: Ancienne Garde au Rhin fondée en1931

F.N.A.R.: Fédération Nationale des Anciens du Rhin (1944), antérieurement dénommée A.F.A.R.

L’Association fut constituée le 15 juin 1947 par la fusion des Associations mentionnées ci-dessus et dénommée « Union Nationale des Anciens des Armées d’Occupation », en abrégé U.N.A.O. Le 27 novembre 1949 eut lieu au Square Gutenberg à Bruxelles, l’inauguration officiel de notre Monument National érigé à la mémoire des camarades tombés en occupation, tant pour la période 1918-1929 que pour celle de 1945 à 1955.

Aujourd’hui, la Fédération Royale des Militaires à l’Étranger en abrégé, F. R. M. E., assure les traditions et la mémoire des « ancêtres » tout en ayant actualisé la situation avec les anciens des Forces Belges en Allemagne, ceux de l’ex-Congo, et surtout des nombreuses missions à l’étranger qu’assurent nos Forces Armées depuis 1991.

commentaires
  1. Robert Vilain dit :

    J’ai trouvé cet article très complet et, surtout, très intéressant ! Un grand merci à l’auteur.

  2. teutates dit :

    On peu constater que si les nazis sont coupable des horreurs de la seconde guerre, les politiques français en sont responsables par leur incompétence. On attend encore leur jugement et leur condamnation. Mais en république personne n’est responsable. C’est sans doute sa valeur suprême §

    • chaf6140 dit :

      No comment. Nous restons neutres rn sujet de politique.
      Merci de votre intervention et de votre intérêt pour notre site.
      Alain Arcq
      Secrétaire

  3. Hub Bar dit :

    Est-ce que quelqu’un peut « étoffer » l’histoire de cette occupation? J’ai entendu dire que des militaires belges avaient été tués? au moins 10? et pour les Français? Quels ont été les Régiments Belges envoyés dans la Ruhr? (Deux divisions) Autre chose, pour compléter l’article, on dit aussi que la France (qui, a l’instar de la Belgique, avait subi beaucoup de dommages de guerres) avait demandé le support des Anglais. Mais chez ces derniers, un économiste, et pas un des moindres, (Milton Keynes) avait signalé au Gouvernement de sa Majesté que l’Allemagne étant le premier client de l’Angleterre, la débâcle économique allemande provoquée par cette occupation allait sûrement entrainer l’Angleterre avec elle dans le plongeon. L’Angleterre « coopéra » donc plutôt avec les Allemands, ce qui fut une leçon que les Français n’oublièrent pas , car en 35/36, lors de la remilitarisation du Rhin, et plus tôt, de la re-création de la conscription, ne sachant pas l’attitude que prendrait la Grande-Bretagne, la France resta l’arme au pied… leçon qui ne fut pas non plus perdue par le sieur Hitler! Et l’histoire recommence son petit carrousel…

    • chaf6140 dit :

      Cher Monsieur,

      Malheureusement, à ce jour, je ne dispose pas de plus de renseignements sur les effectifs d’occupation ni des victimes. Pour les Belges, les « bruits » portent en effet sur une dizaine de victimes soit en assasinats, soit en répression d’émeutes. Vous devriez vous retourner vers l’ Ecole Royale Militaire pour en savoir plus ou vers le Musée Royal de l’Armée à Bruxelles.
      Merci de votre intérêt pour notre travail.
      Alain ARCQ
      Secrétaire

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