rue des Crocheux

Pourquoi
la rue des Crocheux
à Fontaine-l’Evêque

par Roland POLIART

Documents et photos : Collection Roland POLIART

Le café de passage des Crocheux (Situé face à la Ferme de la Forêt).
Peinture au couteau de Fernand Polain 1943
Collection Marc Polain

 

 

A une certaine époque, il existait dans cette rue un café disparu lors des grands travaux effectués pour la réalisation de la N54.
Cet estaminet était un point de chute pour les « Crocheux » qui y pratiquaient le jeu
de crosse (crossage « à l’ tonne »), disparu de nos régions mais toujours pratiqué
dans le Borinage et dans le nord de la France, généralement, le mercredi des Cendres.
On a dit du jeu de crosse qu’il était le golf anglais popularisé.
Il y a en effet avec ce noble sport pas mal d’analogies, dont les principales sont
sans contredit possible.

 

 

1) la crosse elle-même constituée d’un manche, le fût, le plus souvent en bois de hêtre terminé à l’une des extrémités
par un « fer ».
Cette tête métallique possède deux parties : le plat qui frappe la soulette (la balle) lorsque celle-ci est bien placée
sur le sol et le pic qui, par sa forme arquée, permet de sortir la soulette des ornières ou la soulever plus haut.
2) La petite boule appelée la « soule » ou la « soulette », est fabriquée en bois, généralement du charme et est de forme ovoïde de 45 mm sur 40.
Mais là sans doute s’arrête la concordance car bien que le golf et le jeu de crosse se pratiquaient tous les deux en plein air, dans la vaste campagne, ils ont des règles tout à fait différentes.
Le terrain, bien ratissé pour le golf (green) doit présenter des obstacles ou « hasards » très variés (ruisseaux, champs cultivés, carrières, buissons, murailles) et comporter des trous ou « holes », généralement neuf ou dix-huit, disséminés
à des distances irrégulières.
Il s’agit de mettre la boule, fabriquée d’abord en bois, puis en cuir, en gutta-percha, en caoutchouc et enfin la balle
avec noyau, dans la série de trous et en frappant la boule le moins de fois.
Le terrain du jeu de crosse est illimité.
C’est généralement le tour des champs ou des rues du village avec ses obstacles naturels : fossés, terres labourées, haies, murs, maisons, prairies clôturées.


Ici il n’y a plus de trous creusés. Les joueurs qui se divisent en deux équipes, fixent un but : soit un arbre, une fausse porte tracée à la chaux sur un pignon, ou un tonneau vide dans un cabaret (rue des Crocheux).

Le fameux tonneau.

L’équipe qui part demande la partie en un, deux ou trois jeux selon l’éloignement du but et les obstacles à surmonter.
Un jeu comporte deux séries de trois coups, et l’équipe adverse, entre ces deux séries, a le droit de renvoyer la soule
une fois dans la direction contraire (« déchouler » ou « décholer »).
Deux jeux comportent deux renvois et ainsi de suite.

 

Si l’équipe qui offre estime que le nombre de jeux demandés est trop élevé, elle a le droit de rabattre et de partir pour moins. Quand le but est atteint, c’est partie gagnée.
S’il ne l’est pas, c’est partie perdue.
Dans les deux cas, c’est le cabaretier qui en profite car tout se règle devant le comptoir garni de petites chopes de bière, de « vitoulets » et œufs cuits durs.

 

On fait ainsi, régulièrement de quinze à vingt parties au cours de l’après-midi du dimanche.
Ce jeu qui commence généralement en octobre, après la récolte des betteraves, finit habituellement en mars.
Les crosseurs étaient généralement en chandail, singlets et étaient chaussés de bottines et de hautes guêtres.


Un jeu se rapprochant du jeu de crossage est toujours pratiqué actuellement à la Ferme de la Bourgade, 10 Moressée
à 5377 Heure.
Il s’agit du « Golf Sabot » ou « Golffermier » qui se pratique en terrain naturel où broutent les bovins.
La crosse (tees ou green pour le golf) est remplacée par un manche en bois terminé par un sabot.
Le jeu consiste à atteindre à travers prairies, 10 trous prévus avec le moins de coups possibles.
La distance entre les trous pouvant aller jusque 300 mètres.
Le parcours propose une longue promenade à travers une diversité de passionnants décors naturels tels que prairies, arbres, un ruisseau et bien sûr la bouse de vache dans laquelle les maladroits lanceront leur balle et où les distraits marcheront ou les deux.
Le jeu se pratique en équipe de 5 joueurs maximum.
Chaque joueur frappe à tour de rôle dans le but d’approcher le premier trou (et ainsi de suite) avec le moins de coups possibles.
L’équipe qui comptabilise le moins de frappes sur l’ensemble du parcours remporte l’épreuve.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait revue N° 30