Reine Lejong

Une belle histoire
belgo-américaine

par Michel MAIRIAUX

 Reine Lejong, née à Fontaine-l’Evêque le 27 août 1931 et y résidant toujours, a suivi les cours à l’Ecole Moyenne
pour Jeunes filles au Château Bivort, car l’école était occupée par les soldats américains dès 1944.
Elle connaissait peu d’anglais, car la directrice de l’époque avait imposé l’étude de la langue allemande durant
l’occupation mais sa remplaçante Mme Druite s’empressa de combler la lacune.
Reine ne se souvient guère de ce que faisaient les soldats américains à Fontaine-l’Evêque.
Il y avait deux sections l’une s’occupait d’un pigeonnier (1) de l’armée sis à l’Ecole du Boulevard du Nord et l’autre
appartenait à la maintenance des véhicules d’infanterie.
Le bataillon publiait un petit journal « Scars and Gripes » (O.B.A.M. Bn) sortant des presses de l’imprimerie Robert.
En compagnie d’une amie, Reine rencontre, chaussée de Mons, deux soldats américains qui leur demandent
si elles ne connaissaient pas une personne qui voudrait lessiver leur linge.
Reine, qui allait avoir quatorze ans à l’époque, en parle à sa mère qui lui fit répondre qu’elle était d’accord mais
qu’elle n’avait pas de savon.
Le lendemain Russell Rathweg leur apporte un kid bag plein de savonnettes et quantité de gâteries : chewing-gums,
corneed beef, etc.


Comme alors une relation amicale entre les deux familles qui se perpétue, fait assez rare, encore aujourd’hui.
Russell qui avait 22 ans, était un jeune homme sobre, catholique, n’aimant guère les « sorties » avec ses camarades ;
il prend l’habitude de venir passer ses soirées chez les Lejong, fumant la pipe avec le tabac récolté par le père de Reine,
s’habituant à la soupe et à la nourriture de ses hôtes.
Lorsqu’il quitte Fontaine environ six mois plus tard, il promet qu’il donnera le nom de « Reine » à sa première fille
lorsqu’il sera marié.
Non seulement il tiendra parole, mais tous ses enfants auront un prénom commençant par « R » : Reine, Roselyn,
Roberta, Renita, Rhonda
et Russell.
Il s’en suivra un échange de correspondance ininterrompue et des invitations à se revoir.
Une de ses filles, Roselyn, revint à Fontaine-l’Evêque où elle fut reçue lors d’une petite cérémonie par le Bourgmestre
Rovillard.
Le fils de Russell, prénommé également Russell, en voyage professionnel en Europe, fit également un détour pour rencontrer la famille de Reine.
Mais le plus étonnant, c’est que la soeur de Reine Rathweg, Roselyn, eut une fille André, ingénieur civil qui grâce
au programme Erasmus, est venue faire une maîtrise de perfectionnement à l’Université Catholique de Louvain.
Tout naturellement, Reine Lejong lui proposa de laver son linge comme sa mère l’avait fait pour son grand-père Russell.
C’est ainsi qu’Andréa, durant son séjour à l’Université, venait le week-end apporter son linge à laver à Fontaine-l’Evêque.
Voilà, comment à partir d’un fait de guerre, la lessive continue à tisser les liens d’amitié.
Russell dit « Russ » Rathweg est décédé le 30 janvier 2006, après avoir réalisé son rêve, accueillir chez lui, en 1992,
à Dayton dans l’Ohio, Reine, son mari Mario (dévédé depuis), sa fille et son petit-fils.
La réception comprenait cents invités (avec les drapeaux belges et américains en évidence ; l’invitation disait :
« big band music, stories you might have heard before and some new jokes that you haven’t please join us in celebrating
this occasion ! »
Ce sont les enfants de Russell et particulièrement sa fille Reine (prononcez Wiène) (2) qui organisèrent la surprise
pour l’anniversaire de ses septante ans.
Reine est retournée récemment à Dayton avec mission de collecter des renseignements sur le séjour des soldats américains à Fontaine-l’Evêque, ses trouvailles feront l’objet d’un article intéressant au sujet de cette tranche
de notre histoire.
Le sergent Russell Rathweg, par contre, n’est jamais revenu à Fontaine-l’Evêque, il avait trop peur des voyages en avion
ou en bateau.

(1) L’armée utilisait au besoin des courriers à l’aide de pigeons voyageurs pour ne pas se faire repérer par les radios. De même, dans chaque bataillon, était incorporé un soldat US d’origine indienne (Navajo) qui pouvait communiquer les messages dans leur langue, suivant un code,
sans être compris des Allemands.
(2) Reine n’est pas un prénom courant aux U.S.A.. Un jour l’institutrice dit à Reine : « Ce prénom ne veut rien dire ». Reine lui répondit :
« Demandez un peu à mon père si cela ne veut rien dire ! ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait revue N° 8