La sorcière et l’enfant

La sorcière et l’enfant.

Les jeunes adeptes du Diable à Leernes

au XVIIe siècle

par Thomas DELIN

Introduction

 

Aux XVIème et XVIIème siècles, une grande partie de l’Europe connaît une répression sanguinaire.
Des centaines d’individus, accusés de sorcellerie, sont conduits au bûcher pour être purifiés dans les flammes.
Nos régions sont sévèrement touchées par ce fléau.
En ces temps rongés par les conflits, les chasses aux sorcières s’abattent sur des hommes, des femmes, mais aussi sur des enfants…  « Sorcellerie » et « enfance » sont désormais liés dans l’Histoire.

L’association de ces deux mots peut déranger et même choquer. Depuis plusieurs années maintenant, l’opinion publique est confrontée à de tragiques faits divers liés à la maltraitance d’enfants.
Depuis toujours les jeunes sont exposés aux conflits et aux malversations les plus abjectes.
Qu’en est-il de la « chasse » aux jeunes sorciers ? Est-ce un mythe ou une réalité ?
Hier comme aujourd’hui, dans « l’ancienne Belgique » comme dans l’Afrique contemporaine(1) , l’enfant prétendu sorcier est bel et bien persécuté.
Nous avons traité de la question des enfants sorciers dans Démonologie, législation et poursuites criminelles(2).
Ce travail se basait sur l’analyse de trois zones géographiques :
Les comtés de Namur et de Hainaut, pour les Pays-Bas espagnols, ainsi que la principauté de Liège.
L’examen de la répression de jeunes sorciers nous a permis de répondre notamment à trois questions fondamentales.
– Premièrement, qu’est ce qu’un enfant sous l’Ancien Régime, quelle place occupe-t-il sur l’échiquier des valeurs
de la société ?
– Deuxièmement, quels sont les rôles que pouvait jouer l’enfant dans la sorcellerie ?
– Troisièmement, quelles étaient les peines encourues par les enfants reconnus coupables ?
Le rôle prépondérant du juge dans les procès a également été mis en valeur.
En effet, la justice s’impose dans la sorcellerie comme « codificatrice » d’un phénomène
irrémédiablement lié aux traditions orales.
Le juge apparaît comme le témoin privilégié des confessions des prétendus sorciers.
Le corpus des sources étudiées est principalement issu des comptes d’officiers de justices subalternes
et supérieures,  pour les territoires namurois, hainuyers et liégeois.
À partir de ces documents, nous avons isolé et analysé l’histoire de trente-deux jeunes gens accusés de sorcellerie.(3)
Ce travail nous a permis également de constater deux éléments importants.
Des procès « sanglants » d’enfants ont toujours lieu  à la fin du XVIIe siècle, alors que plusieurs historiens
s’accordent à dire que la répression s’éteint peu avant la deuxième moitié  du siècle.
Ensuite, il est intéressant de constater une évolution s’opérant dans les châtiments infligés aux enfants.
En effet, dès 1606, des juges envoient de jeunes sorciers dans des institutions pour y être catéchisés.
Ceci inaugure, dans la répression de la sorcellerie, un nouvel état d’esprit :
Les adeptes du Diable sont « récupérables » et peuvent être reconduits dans le droit chemin.
Les bûchers ne semblent plus être  la seule solution pour enrayer le Mal.
Évoquons plus en détail ces matières en analysant l’histoire des enfants sorciers de Leernes et de la principauté de Liège.
Rappelons qu’au XVIIème siècle, l’autorité liégeoise s’exerce à proximité du comté de Hainaut, notamment dans les villages de Marchienne-au-Pont, de Marcinelle, de Couillet ou de Leernes.(4)
L’étude menée sur ce territoire a révélé l’existence de huit cas de jeunes sorciers.
En 1613, trois enfants de la famille Genevoix, originaires d’Hanzinne(5), sont inquiétés par la justice.
Trois ans plus tard, à Jamioulx(6), un petit garçon prénommé Jacques est accusé par une sorcière adulte, Jeanne André.
La même année, trois frères, Martin, Jacques et Michel Cavée, sont interpellés à Leernes pour s’être adonnés
à la sorcellerie.
Plusieurs années après, en 1628, une fillette de Scri(7), Marguerite Maréchal, est à son tour accusée de pactiser
avec le Démon.
Avant de présenter plus en détail ces affaires, tentons de cerner précisément le phénomène de la sorcellerie.
Comment la législation d’Ancien Régime et la démonologie définissent-ils ce crime ?

Chapitre I. La sorcellerie.

 Définition et présentation
1 . Définition de la sorcellerie

La définition qui prévaut aujourd’hui pour qualifier la « sorcellerie » fait état d’un ensemble de pratiques populaires
ou rudimentaires, parfois secrètes, illicites ou même effrayantes, comme l’invocation des morts, l’appel
aux esprits malfaisants, etc.
Cette conception s’inspire des principaux traits caractérisant les jeteurs de sorts dès le Moyen Âge. (8) N.R.C. Cohn énonce en quatre points le « stéréotype » du sorcier médiéval.
« On imaginait, écrit-il, un sorcier comme :
– Premièrement, un individu qui pratique le maleficium,
c’est-à-dire qui nuisait par des moyens occultes ;
– Deuxièmement, un individu qui était lié au Diable par des liens de servitude ;
– Troisièmement, un être surnaturel qui volait la nuit à travers les airs,  dans le but maléfique, par exemple, de dévorer les bébés, et qui fréquentait des endroits sauvages  et désolés ;
– Quatrièmement, un membre d’une société ou secte, laquelle tenait des assemblées ou sabbats périodiques où la religion était systématiquement parodiée, où on adorait le Diable, et où celui-ci avait en outre des relations sexuelles
avec ses serviteurs humains. »(9)
La fin du Moyen Âge, particulièrement le XVème siècle, est marquée par l’émergence des « chasses »
et de traités théoriques qui caractérisent l’époque moderne. C’est à ce moment que l’on passe de procès isolés d’individus à « des poursuites concernant des foyers entiers ». (10)
Pour G. Bechtel, l’époque médiévale présente de « solides structures mentales » (11)
qui ont longtemps empêché des répressions à grande échelle. (12)
Cependant, avec l’âge moderne, on constate progressivement l’apparition d’une période
« de désordre, de magisme, d’intolérance, dominée par des théories et des sensibilités infiniment plus propices
aux massacres ». (13)
Les procès de sorcellerie commencent véritablement à se multiplier en Europe vers la fin du premier tiers du XVème siècle.
C’est à cette époque notamment que l’on note pour la première fois le remplacement de l’accusation traditionnelle
de maleficium par celle de sorcellerie démoniaque.
Citons comme exemple l’un des procès présentés par R. Kieckhefer. À Bâle, en 1407, plusieurs femmes
sont bannies par la cour de Bâle pour avoir pratiqué des invocations et pour avoir utilisé des poudres et des potions
ayant notamment entraîné la mort. (14)
Tous les pays européens ne sont pas infectés par ce mal au même moment.
Certains d’entre eux connaissent même une répression finalement assez faible par rapport à d’autres régions
où la justice se déchaîne contre les adeptes de Satan.
Des chasses plus ou moins violentes se succèdent en Suisse, en France, dans les Pays-Bas et dans le Saint-Empire. (15)
À partir des années 1620, l’évolution de la répression européenne est moins claire.
Les persécutions frappent soit des régions déjà touchées par le fléau satanique, soit d’autres restées inviolées jusqu’ici.
Il est incontestable que les chasses aux sorcières s’épuisent.
Cependant, leur disparition n’est pas commune à l’ensemble de l’Europe. (16)
Si certains pays ont brûlé des sorciers jusque la seconde moitié du XVIIe siècle, d’autres territoires connaissent encore
des exécutions au XVIIIème siècle.
C’est dans les années 1580 que la grande période des bûchers s’ouvre en Europe, particulièrement
dans les régions du nord-ouest,  « au cœur de la zone principalement affectée par la ligne de fracture confessionnelle mise en place depuis l’époque de Luther ». (17)
En effet, c’est à l’intérieur de ce « couloir reliant la Méditerranée à la Mer du Nord, l’Italie du nord
aux Pays-Bas espagnols » (18) que les catholiques tentent de résorber l’influence grandissante des protestants.
L’objectif principal des puissances catholiques est d’éviter une scission définitive entre l’Europe méridionale
qu’elles contrôlent et le nord du continent.
En 1618, bon nombre de nations sont entraînées dans la guerre de Trente Ans.
Parallèlement à ce conflit, la théorie démonologique tente de « reconquérir les esprits » aussi bien du côté protestant
que du côté catholique.
Toutefois, son action fut, semble-t-il, plus influente dans les régions catholiques où la répression des sorciers
est menée tambour battant de la fin du XVIème siècle au début du XVIIème siècle. (19)

2. La démonologie
ou la science du Diable apprivoisée

2.1. La sorcellerie dans la démonologie

La période de répression la plus virulente à l’égard des sorciers, débute vers 1580.
C’est à cette époque que de nouveaux livres de démonologie sont rédigés et publiés.
Auparavant, les poursuites contre les sorciers étaient assez rares et surtout ceux-ci ne portaient pas encore
une coloration satanique.
La démonologie, véritable « science » religieuse, pose les premiers jalons nécessaires pour reconnaître, pister
et débusquer les « infractions » sataniques des sorciers et des suppôts du Mal.
L’Église catholique décrète, la première, la réalité de la sorcellerie par la bulle apostolique Summis desiderantes affectibus du pape Innocent VIII en 1484. (20)
Deux ans après, le premier manuel démonologique sort d’impression.
Il s’agit du Malleus maleficarum ou Marteau des sorcières, rédigé par deux dominicains allemands, Henry Institoris
et Jacques Sprenger. (21)
Ce recueil rencontre un succès important dès ses premières parutions et inspire d’autres ouvrages démonologiques. (22)
La répression renaissante s’organise donc à partir de ce fonds ecclésiastique.
Progressivement, les démonologues produisent des manuels destinés aux juges et aux intellectuels qui se consacrent
à une seule et unique mission : combattre les alliés du Diable. (23)
Cette idéologie se développe dans un contexte global où le pouvoir judiciaire part en guerre contre Satan, pour la gloire
de Dieu.
Peu à peu le visage satanique de la sorcière se dessine.
Cette maîtresse du Diable est reconnue coupable d’un véritable crime de lèse majesté divine.
D’autres écrits font suite et complètent l’œuvre des deux dominicains.
Les productions démonologiques se multiplient tant du côté catholique que du côté protestant,
avec des auteurs de différentes nationalités tels que Jean Bodin, Nicolas Rémy(24),
le jésuite Martin-Antoine Del Rio, Henri Boguet(25), Pierre de Lancre(26), Henry Crespet(27)  ou encore Lambert Daneau(28).
Le discours de ces intellectuels s’accorde, dans les grandes lignes, à présenter le Diable comme un grand conspirateur.
Il tente les humains et conclut avec certains d’entre eux, bien souvent des femmes, des pactes.
Les individus liés à cette société secrète, se retrouvent lors du sabbat où des plans machiavéliques
sont élaborés afin de corrompre l’ordre naturel des choses et de détruire l’œuvre de Dieu. (29)
Jean Bodin, l’auteur de la République et de la Méthode de l’histoire, compose, en 1580, la Démonomanie des sorciers. (30)
En 1576, à la suite de son mariage, Bodin reçoit la charge de procureur du roi au bailliage et siège présidial
de Laon.(31)
Il connaît, à ce poste, plusieurs affaires de sorcellerie.
Son ouvrage confère, au discours ecclésiastique primaire, une connotation politique relayée d’une implacable sévérité
à l’encontre de la sorcellerie démoniaque.
Par rapport à d’autres auteurs contemporains, des divergences de fonds ou, du moins, de simples particularités
sont à noter.
Ainsi, comme le rapporte N. Jacques-Chaquin, Bodin pense que la sorcellerie menace bien plus qu’une religion précise.
Elle menace en réalité toute attitude religieuse, tout esprit religieux.
Le Diable n’est pas uniquement l’ennemi de la chrétienté mais il s’oppose à toute religion.
Il s’efforce d’arracher non seulement la vraie religion mais aussi toute opinion de divinité du cœur des hommes.
Cette vision ne prévaut pas dans d’autres manuels, comme chez Sprenger et Institoris, qui attribuent
le problème satanique à l’unique chrétienté.
Cette position est également défendue chez les penseurs Boguet et Del Rio.
Attardons-nous quelque peu sur la vie et l’œuvre de ce dernier.
Né à Anvers le 17 mai 1551, Martin-Antoine Del Rio fréquente l’école latine de Lierre, fort renommée à l’époque.
Après s’être rendu à Paris et à l’université de Douai, qui venait d’être fondée par Philippe II, il étudie le droit civil
à l’université de Louvain.
Reçu bachelier en 1570, il part alors pour Salamanque afin d’obtenir le titre de docteur en droit.
Développant une certaine aisance dans les langues, tant anciennes que modernes, il mène aussi une carrière politique
en Brabant.
Membre du Conseil du duché, il devient par la suite vice-chancelier et questeur du fisc royal.
Mais en 1580, il démissionne de toutes ses charges publiques et entre au noviciat des jésuites de Valladolid.
Il revient à Louvain pour étudier la théologie et l’Écriture sainte.
C’est dans cette université ainsi qu’à Douai et à Liège, qu’il dispensera plusieurs cours. (32)
En 1599, les Disquisitiones Magicarum de Del Rio sont publiés pour la première fois. (33)
Cette réflexion démonologique s’inscrit dans la lignée du contenu philosophique de l’ordonnance de Philippe II de 1592.
L’ouvrage de Del Rio, dédié au prince-évêque de Liège Ernest de Bavière, connut un succès considérable à en juger
par le nombre d’éditions et de rééditions. (34)
Certains intellectuels défendent le recours à la force extrême pour annihiler le Mal sous toutes ses formes.
D’autres, au contraire, sont moins catégoriques sur cette question et doutent…
Bien qu’au temps des bûchers,
« il ne faisait pas bon exprimer des doutes sur la réalité des crimes imputés aux sorcières ». (35)
Au XVIIIème siècle, Voltaire qualifie Del Rio de « procureur général de Belzébuth ». (36)
Mais plusieurs années déjà avant ses écrits, certains s’interrogent sur le bien fondé des chasses purificatrices rendues
au nom de la justice divine.
En 1563, Jean Wier, « l’adversaire favori » de Bodin, désire tempérer l’ardeur des persécutions portées sur de pauvres esprits féminins altérés par Satan.
Wier se montre également très critique vis-à-vis de Nicolas Rémy, d’Henry Crespet et de Lambert Daneau.
Dans la réédition de ses Essais en 1588, Montaigne conseille aussi de restreindre les exécutions et de plutôt purger
les folles accusées à l’hellébore. (37)
Vers 1631, après avoir défendu les opinions de Del Rio sur la gravité du crime de sorcellerie, le jésuite rhénan
Frédéric Von Spee dénonce les abus judiciaires.
À cette époque, les bûchers s’éteignent progressivement, les langues se délient, le scepticisme s’affirme, l’encre coule
sous la plume de personnages tels que Cyrano de Bergerac. (38)

2.2. Les « petits diables »
dans les écrits démonologiques

La place de l’enfant dans la démonologie s’insère, dans un premier temps, parmi les victimes du « sadisme » satanique.
Toutefois, l’activité des mineurs au sein de la sorcellerie ne se résume pas toujours à un rôle passif, latent et consentant.
Les jeunes se sont, entre autres, distingués dans l’art de la dénonciation et bien entendu en tant qu’enfants sorciers.
Quelques démonologues, juristes ou gens de lettres, contemporains de la répression, se sont intéressés
à ces deux problématiques.
En 1589, puisant dans l’expérience des procès qui viennent de se tenir dans l’évêché de Trèves, Peter Binsfeld
publie le Tractatus de confessionibus maleficiorum et sagarum. (39)
Il présente clairement dans ce manuel la sorcellerie comme un crimen exceptum, pour lequel les règles juridiques ordinaires ne peuvent prévaloir.
Tous les moyens possibles et imaginables doivent être pris en compte pour que justice puisse être rendue.
Cela implique et justifie notamment les interrogatoires d’enfants ainsi que des châtiments corporels à leur encontre
en vue d’obtenir des aveux.
Cette attitude viscérale à l’égard du Mal et de ses dévoués, peu importe qu’ils soient hommes, femmes ou enfants,
transpire de tous les ouvrages démonologiques.
En 1595, le juge lorrain Nicolas Rémy, fort des poursuites qu’il a menées contre plusieurs centaines de sorciers,
s’inquiète, dans sa Daemonolotriae libri tres, de la coutume adoptée de simplement fouetter les enfants sorciers
auprès du bûcher de leurs parents et propose « pour la sérénité publique » leur bannissement.
Il s’interroge aussi sur l’opportunité d’appliquer dans ce cas précis
« les lois qui excusent les criminels à cause de leur âge ». (40)
Dix-sept ans plus tard, en 1612, Pierre de Lancre reprend la notion de crimen exceptum.
A ses yeux, « l’abomination et exécrable grandeur et horreur de ce crime fait voir qu’il ne peut être pris pour
un délit commun.
Les délits communs ne s’entendent pas des graves et atroces crimes publics.
Et qui oserait dire que la sorcellerie doive être mise inter minora delicta ? » (41) .
Enfant sorcier ou enfant pris dans le jeu de la dénonciation, le mineur ne remplit pas nécessairement
l’un ou l’autre rôle, mais peut très bien être à la fois sorcier et délateur !
Toutefois, de Lancre, conseiller au parlement de Bordeaux, met en place plusieurs dispositions.
Celles-ci montrent, d’une part, la place complexe occupée par le mineur en tant que nouvel acteur de la répression.
D’autre part, nous percevons une réelle difficulté de la société ancienne à admettre et valider, devant la loi, le discours
de jeunes enfants en bas âge.
Pour Pierre de Lancre, s’il faut tenir compte des propos des mineurs, il est nécessaire d’introduire certaines conditions.
Les dépositions des filles ne peuvent être jugées recevables que si ces dernières ont passé l’âge de la puberté.
Pour les garçons « de six, sept et huit ans et au-delà », le juge est invité à jauger de la force et de la fermeté
du témoin. (42)
Bien entendu, la présence de la marque du diable sur le corps du mineur est une preuve validant son témoignage.
En revanche, pour d’autres situations, de Lancre conseille de ne pas tenir compte des dires du « délateur »
s’il n’a pas atteint l’âge de la puberté, soit quatorze ans pour les garçons et douze ans pour les filles.(43)
Comme l’avait fait avant lui Binsfeld, Henri Boguet démontre, dans son Discours exécrable des sorciers(44),
l’importance de prêter une oreille attentive aux déclarations de tous, même des plus jeunes, surtout si l’on peut
grâce aux témoignages d’enfants découvrir une « infinité de sorciers ». (45)
Ce juge de Franche-Comté insiste aussi dans ses écrits sur deux notions en rapport direct avec notre propos.
Premièrement, en matière d’enfant sorcier, il démontre l’implacable logique qui veut
que « le père sorcier fait ordinairement son fils sorcier, la mère la fille, le frère la sœur, la tante la nièce ou le neveu,
et qu’ils exercent toujours leurs méchancetés et abominations de nuit et en secret ». (46)
Développant la question de la minorité, Boguet considère que l’âge des prévenus ne prévaut pas
dans des « crimes graves et atroces » sauf, peut-être, pour « diminuer aucunement la peine ».
Toutefois sa clémence et sa miséricorde ne surpassent nullement celle de Binsfeld.
En effet, Boguet estime « que non seulement il faut faire mourir l’enfant sorcier qui est en âge de puberté, mais encore celui qui est en bas âge, si l’on reconnaît qu’il a le Malin en lui ». (47)
C’est à l’extrême fin du XVIe siècle que les démonologues réfléchissent sur la place des mineurs dans la répression satanique.
Parallèlement, ces juges et ces intellectuels leur confèrent de nouvelles fonctions.
L’enfant peut être utilisé comme délateur ; il peut aussi perpétrer des crimes liés à la sorcellerie.
Mais les réflexions présentées ci-dessus, semblent indiquer que le jeune est délateur ou sorcier avant tout
parce qu’il peut
dénoncer les déviances de ses parents, ou parce qu’il est la progéniture de sorciers déjà victimes du bûcher.
On l’aura compris, l’hérédité joue un rôle très important dans le mécanisme de la répression.
Nous pouvons ainsi nous poser la question suivante : lorsque l’on étudie la place du mineur dans la sorcellerie,
n’est-il pas préférable, avant tout, d’analyser la situation de sa famille ?
Pour autant, et c’est là l’un des points fondamentaux de cette étude, que l’hérédité puisse tout expliquer ?
Ce n’est pas un hasard si ce système de pensée se met en place à cette période.
Depuis plusieurs décennies, les sorciers sont pourchassés.
Une, voire deux générations, ont déjà été sacrifiées et les chasses, comme nous le savons, vont s’amplifier
au début du XVIIème siècle.
Sans prétendus sorciers, le système répressif n’a plus aucune raison d’être.
Pour trouver de nouvelles victimes, la répression va se tourner alors sur les fils et filles des défunts adeptes du Diable.
Ceux-ci ne seront pas les seuls visés.
Il est toutefois prouvé que des familles entières ont connu le châtiment des flammes, comme l’attestent certains
« épisodes sanglants » que nous analysons ci-dessous.


1 F. DE BOECK, Les « enfants-sorciers » en République Démocratique du Congo, dans Politique africaine, n° 80, Paris, 2000, p. 32-57.
2 Th. DELIN, Démonologie, législation et poursuites criminelles. Les juges et les enfants sorciers dans la principauté de Liège, les comtés de Hainaut et de Namur (1590-1695), Mémoire de licence inédit en Histoire, Université catholique de Louvain, 2003-2004.
3 Th. DELIN, Démonologie, législation et poursuites criminelles. Les juges et les enfants sorciers dans la principauté de Liège, les comtés de Hainaut et de Namur (1590-1695), Mémoire de licence inédit en Histoire, Université catholique de Louvain, 2003-2004, p. 80 et suiv. : Six enfants sont accusés de sorcellerie dans le comté de Namur, huit dans la principauté de Liège et dix-huit pour le comté de Hainaut.
4 Voir carte n°1 : La chasse aux enfants sorciers dans la principauté de Liège au XVIIème siècle.
5 Hanzinne, commune de Florennes, arrondissement de Philippeville, Province de Namur.
6 Jamioulx, commune de Ham-Sur-Heure-Nalinnes, arrondissement de Thuin, Province de Hainaut.
7 Scry, commune de Mettet, arrondissement de Philippeville, Province de Namur.
8 R. MACMULLEN, Christianisme et paganisme du IVème au VIIIème siècle, Paris, 1998 ; G. BECHTEL, La sorcière et l’Occident. La destruction de la sorcellerie en Europe des origines aux grands bûchers, Paris, 1997, p. 13-54 et 57 : La répression des sorcières ne commença vraiment que vers 1450, même si elle s’inscrit dans un mouvement plus large qui peut remonter jusqu’à l’Antiquité.
9 N.R.C. COHN, Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen Âge. Fantasmes et réalités, trad. de S. LAROCHE, Paris, 1982, p. 183.
10 P. PARAVY, Sorcellerie, dans Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge, sous la dir. de A. VAUCHEZ, t. II, Paris, 1997, p. 1451.
11 G. BECHTEL, La sorcière et l’Occident. La destruction de la sorcellerie en Europe des origines aux grands bûchers, Paris, 1997, p. 190 et suiv. : Ces « structures mentales » se manifestent dans de nombreux domaines sous diverses formes. Toutefois, de manière globale, on peut souligner une différence importante entre la fin du Moyen Âge, où peu de sorciers sont réprimés, et les débuts des Temps Modernes, où les persécutions augmentent. On constate en effet au XVème siècle que l’Église et le peuple en général ne se croient pas complètement à la merci du Démon et de ses sorciers. Le fait de croire en l’immense miséricorde de Dieu autorise cet état d’esprit. Par contre, un siècle plus tard, le Diable semble avoir pris le contrôle du monde ; R. MUCHEMBLED, Une histoire du Diable XIIème-XXème siècle, Paris, 2000, p. 33 et suiv. : Déjà au XIIe siècle, le théâtre offrait du Diable une image parodique ou franchement comique. Par contre, à partir du XIVème siècle, le discours change et le Démon plus terrifiant s’émancipe du monde monastique et gagne plus profondément le monde laïc…
12 G. BECHTEL, La sorcière et l’Occident. La destruction de la sorcellerie en Europe des origines aux grands bûchers, Paris, 1997, p. 196 : Ce constat s’oppose à juste titre à l’image erronée et surfaite qui accable encore aujourd’hui la période médiévale, temps d’obscurités par excellence pour Michelet et d’autres historiens du XIXème siècle.
13 G. BECHTEL, La sorcière et l’Occident. La destruction de la sorcellerie en Europe des origines aux grands bûchers, Paris, 1997, p. 196.
14 R. KIECKHEFER, European Witch-Trials. Their Foundations in Popular and Learned Culture, 1300-1500, Berkeley, 1976, p. 10-18 ; R. KIECKHEFER, The Repression of Heresy in Medieval Germany, Liverpool, 1979 ; R. KIECKHEFER, Magic in the Middle Ages, Cambridge, 1989 ; Les sorcières, les seigneurs et les juges, dans Revue suisse d’histoire, vol. LII, n° 2, Bâle, 2002 ; R. MUCHEMBLED, Une histoire du Diable XIIème-XXème siècle, Paris, 2000, p. 76.
15 R. MUCHEMBLED, Une histoire du Diable XIIe-XXe siècle, Paris, 2000, p. 73.
16 Les procès de sorcellerie s’éteignent progressivement en Europe à partir du XVIIe siècle. Toutefois cela ne signifie pas que le mal est enraillé et des procès se déroulent encore aux siècles suivants ; J. BECKMAN, Vindicte populaire et sorcellerie en Wallonie, dans Tradition wallonne. Mélanges Albert Doppagne, t. IV, Bruxelles, 1987, p. 65-78 : Comme le remarque J. Beckman, la sorcellerie est encore au centre de certains procès aux XVIIIe et XIXe siècles en Wallonie. Cependant, il s’agit de procès « d’un autre type dans lesquels la sorcière, prétendue bien sûr, apparaît comme la malheureuse victime, tandis que ses bourreaux soi-disant justiciers se retrouvent au banc des accusés ».
17 R. MUCHEMBLED, Une histoire du Diable XIIème-XXème siècle, Paris, 2000, p. 85-86.
18 R. MUCHEMBLED, Une histoire du Diable XIIeèmeXXème siècle, Paris, 2000, p. 87.
19 R. MUCHEMBLED, Une histoire du Diable XIIème-XXème siècle, Paris, 2000, p. 87 ; Voir carte n°2 : Le croissant tridentin : la « route espagnole ».
20 Une retranscription de cette bulle figure dans H. INSTITORIS et J. SPRENGER, Le Marteau des sorcières, présenté par A. DANER, Paris, 1973, p. 117-120.
21 Henry Institoris et Jacques Sprenger étaient délégués par le pape pour exercer les fonctions d’inquisiteurs dans les régions de Germanie Supérieure et de Rhénanie ; S. HOUDARD, Les sciences du Diable. Quatre discours sur la sorcellerie (XVème-XVIIème siècles), Paris, 1992 : Le mot « marteau » appartient à la tradition inquisitoriale, où il a longtemps désigné les inquisiteurs eux-mêmes, avant de désigner leurs ouvrages.
22 R. MUCHEMBLED, Le roi et la sorcière. L’Europe des bûchers, XVème-XVIIIème siècle, Paris, 1993, p. 17-19 : De sa première publication à 1669, trente mille exemplaires du Marteau des sorcières auraient été mis en circulation, essentiellement dans de petits formats permettant au juge d’en disposer facilement à n’importe quel moment ; S. HOUDARD, Les sciences du Diable. Quatre discours sur la sorcellerie (XVème-XVIIème siècles), Paris, 1992.
23 R. MUCHEMBLED, Le roi et la sorcière. L’Europe des bûchers, XVème-XVIIIème siècle, Paris, 1993, p. 12 et 17 : Les manuels condensent « un savoir théologique et judiciaire à l’usage des hommes d’Église mais aussi des intellectuels laïques, notamment des juges civils ».
24 Le juge lorrain Nicolas Rémy rédigea son manuel en 1595.
25 Le Discours exécrable des sorciers de Henri Boguet a été présenté et annoté par N. JACQUES-CHAQUIN (Paris, 1980).
26 Pierre de Lancre est conseiller au parlement de Bordeaux en 1612. Son traité, Le Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons, a été édité, mais non intégralement, présenté et annoté par N. JACQUES-CHAQUIN (Paris, 1982).
27 Henry Crespet, prieur des célestins de Paris, publia son guide démonologique en 1590.
28 Le théologien protestant Lambert Daneau publia son manuel en 1574.
29 S. HOUDARD, Les sciences du Diable. Quatre discours sur la sorcellerie (XVème-XVIIème siècles), Paris, 1992, p. 9.
30 M.-D. COUZINET, Note biographique sur Jean Bodin, dans Jean Bodin. Nature, histoire, droit et politique, sous la dir. de Y. ZARKA, Paris, 1996, p. 233-244 : Certaines périodes de l’existence de Jean Bodin sont encore aujourd’hui difficiles à cerner. D’autres éléments le sont moins. Il est né vers 1529-1530 et décédé en 1596. Bodin se déclare originaire d’Angers. En 1549, après un passage à Nantes, nous le retrouvons à Toulouse, où il enseigne le droit. C’est d’ailleurs dans cette ville qu’il a fait ses études.
31 S. HOUDARD, Les sciences du Diable. Quatre discours sur la sorcellerie (XVème-XVIIème siècles), Paris, 1992, p. 27-28 ; M.-D. COUZINET, Note biographique sur Jean Bodin, dans Jean Bodin. Nature, histoire, droit et politique, sous la dir. de Y. ZARKA, Paris, 1996, p. 240-241 : Le 25 février 1576, Bodin épouse, à Laon, Françoise Trouillard. En novembre de la même année, il est délégué par le Tiers État du Vermandois aux États de Blois. « On ignore à quel titre cette charge lui a été confiée ; en effet, il n’exerce les fonctions de procureur du roi à Laon qu’après la mort de son beau-frère en 1587. »
32 J. FRAIKIN, Un cas de sorcellerie à la fin du XVIIe siècle : l’affaire du moine sorcier de Stavelot, dans Tradition wallonne. Mélanges Albert Doppagne, t. IV, Bruxelles, 1984, p. 258-259.
33 M.-S. DUPONT-BOUCHAT , La répression des croyances et des comportements populaires dans les Pays-Bas : l’Église face aux superstitions (XVIème-XVIIIème S.) dans La sorcellerie dans les Pays-Bas sous l’Ancien Régime. Aspects juridiques, institutionnels et sociaux, sous la dir. de M.-S. DUPONT-BOUCHAT, Courtrai, 1987, p. 121 (Anciens Pays et Assemblées d’Etats, LXXXVI) : Le Disquisitionum Magicarum libri sex quibus continetur accurata curiosarum artium et vanarum superstitionum…utilis theologis, jurisconsultis, medicis, philologis a été résumé et traduit en français par le père Duchesne sous le titre Controverses et recherches magiques, traduites et abrégées du latin de Del Rio, Paris, 1611.
34 M.-S. DUPONT-BOUCHAT , La répression des croyances et des comportements populaires dans les Pays-Bas : l’Église face aux superstitions (XVIème-XVIIIème S.) dans La sorcellerie dans les Pays-Bas sous l’Ancien Régime. Aspects juridiques, institutionnels et sociaux, sous la dir. de M.-S. DUPONT-BOUCHAT, Courtrai, 1987, p. 121 (Anciens Pays et Assemblées d’Etats, LXXXVI).
35 R. MUCHEMBLED, Le roi et la sorcière. L’Europe des bûchers, XVème-XVIIIème siècle, Paris, 1993, p. 19.
36 J. FRAIKIN, Un cas de sorcellerie à la fin du XVIIe siècle : l’affaire du moine sorcier de Stavelot, dans Tradition wallonne. Mélanges Albert Doppagne, t. IV, Bruxelles, 1984, p. 259.
37 Montaigne exprime son incrédulité en matière de sorcellerie dans les Essais, aux chapitres Des Boyteux et De la force de l’imagination : « il est vray semblable que le principal crédit des miracles, des visions, des enchantements et de tels effects extraordinaires, vienne de la puissance de l’imagination agissant principalement contre les âmes du vulgaire, plus molles. On leur a si fait saisi la créance qu’ils pensent voir ce qu’ils ne voyent pas » (cf. livre I, chapitre 21).
38 Cyrano de Bergerac a rédigé un Discours contre les sorciers en 1652 ; Citons également Malebranche, La Bruyère ou Balthasar Bekker. Ce dernier est un pasteur protestant d’Amsterdam, dont le Monde enchanté publié en 1691 eut un grand succès en Europe.
39 D. JULIA, L’enfance au début de l’époque moderne dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIème siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 303 : En 1589, l’évêque suffragant de Trèves, Peter Binsfeld, ancien élève des jésuites, publie un Tractatus de confessionibus maleficiorum et sagarum, traduit en allemand dès 1591.
40 D. JULIA, L’enfance au début de l’époque moderne dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIe siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 304.
41 D. JULIA, L’enfance au début de l’époque moderne dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIe siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 303-304.
42 D. JULIA, L’enfance au début de l’époque moderne dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIe siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 305.
43 D. JULIA, L’enfance au début de l’époque moderne dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIe siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 305 : Pierre de Lancre récuse les accusations venant de mineurs et portant sur les maléfices commis par des sorciers. Les témoignages sont recevables seulement si l’enfant a passé l’âge de puberté, soit quatorze ans pour les garçons et douze ans pour les filles.
44 Le Discours exécrable des sorciers a été plusieurs fois remanié entre 1603 et 1610.
45 D. JULIA, L’enfance au début de l’époque moderne dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIe siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 305 : Henri Boguet développe une nouvelle fois cette idée dans l’Instruction pour un juge en faict de sorcellerie. Il affirme qu’ « il ne faut pas encore rejeter en ce crime le témoignage des enfants qui n’ont pas atteint l’âge de la puberté (…) Il faut ouïr ces enfants attendu que le crime est secret, et couvert, et qu’il n’y a personne qui en puisse mieux déposer que ceux qui ont assisté au sabbat ».
46 D. JULIA, L’enfance au début de l’époque moderne dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIe siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 303.
47 L’enfant sorcier est, pour Henri Boguet, irrécupérable ; si le jeune se jette dans le piège de Satan, il ne peut plus s’en extraire.

 

Chapitre II. La sorcellerie en Pays de Liège

1. La principauté de Liège contre le Diable

Présentons tout d’abord brièvement la physionomie particulière du Pays liégeois durant les Temps Modernes.
Nous analyserons ensuite le système répressif mis en place par la législation de cette principauté pour tenter
de comprendre comment Liège s’est prémuni de la « peste » satanique.

Les frontières de la principauté de Liège sont « inextricablement sinueuses ».
Ce territoire est en effet composé de nombreuses enclaves appartenant à des souverainetés étrangères.
Inversement, il possède également plusieurs localités disséminées dans des pays voisins.
En effet, au XVIIème siècle, l’autorité liégeoise s’exerce à proximité du comté de Hainaut, notamment dans les villages
de Leernes, Jamioulx, Hanzinne et Scri, là où des enfants ont été accusés de sorcellerie.
Cette situation instable est alimentée par les aliénations et les acquisitions de terres contestées, nommées également
terres de débat.
Certaines localités, objets de « droits divers dont l’origine et la nature sont imprécis », peuvent être réclamées
par le prince de Liège alors que d’autres sont revendiquées par les États voisins.
Notons que si ces conflits restent parfois sans solution, d’autres se concluent par « voie de transactions ».
À titre d’exemple, citons le conflit qui opposa le comté de Hainaut à la principauté de Liège, de 1353 à 1757, au sujet
de la ville de Fontaine- l’Évêque. (1)
Celle-ci était en effet à la limite des frontières hainuyères et liégeoises.
Les seigneurs de Fontaine-l’Évêque devaient le service d’ost et de chevauchée aux comtes de Hainaut et la ville était liée
à la Cour féodale de Mons.
En revanche, la loi de Liège était d’application à Fontaine et les échevins liégeois étaient les chefs de sens du magistrat fontainois.
En ce qui concerne la législation établie contre le crime de sorcellerie, intéressons-nous à un document émis
le 30 décembre 1608.
À cette date, un mandement est introduit pour régler la procédure à suivre en matière de sorcellerie. (2) Ernest de Bavière, prince-évêque de Liège, voit l’augmentation du phénomène de la sorcellerie à l’intérieur des frontières de la principauté.
Pour palier à cette situation, il est nécessaire de renforcer les structures judiciaires du Pays de Liège.
Cependant, c’est avant tout d’économie et d’effort budgétaire dont il est question dans ce document !
Plusieurs mesures sont détaillées pour, d’une part, tenter de réduire les dépenses, d’autre part, garantir
le bon fonctionnement de la répression.
Par exemple, l’article VI prévoit de réduire le salaire du maistre des hautes oeuvres (3) que l’on dit trop excessif.
Les articles VIII et suivants ordonnent la saisie des biens meubles de l’individu accusé de sorcellerie.
La vente de ces objets permettra ainsi de combler une partie des dépenses intervenant lors du procès.
Si toutefois, l’inculpé bénéficie de peu de biens, les officiers devront collecter l’argent auprès de la communauté
dont est originaire le sorcier.
Ce sont les mambours des églises et paroisses qui seront chargés de cette collecte, comme le prévoit l’article XIII.
Cette ordonnance mentionne à plusieurs reprises l’une des figures phares de la justice liégeoise :
les échevins de Liège.
La Souveraine Justice des échevins de Liège est de loin le plus important des tribunaux liégeois. (4)
Ses compétences sont liées aussi bien à la juridiction civile que pénale.
En matière criminelle, jusqu’en 1716, la Souveraine Justice juge sans appel, directement ou par rencharge. (5)
Celle-ci est obligatoire : aucun « décret de prise de corps » (6), aucune sentence de mise à la torture, aucun jugement définitif ne peut être rendu par une justice inférieure sans consultation préalable du chef de sens. (7)
Cette cour seigneuriale(8) rend la justice sur l’ensemble du territoire de la principauté.
Comme toutes les justices de ce type, elle est composée d’un mayeur, représentant le souverain.
C’est ce dernier qui nomme librement et peut révoquer ce mayeur.
L’évêque de Liège choisit également quatorze échevins.
Ils sont inamovibles et ne peuvent être renvoyés.
C’est à eux seuls que revient le droit de prononcer la sentence.
Ce mandement de décembre 1608 est intéressant à plus d’un titre.
Il nous dévoile le fonctionnement de l’appareil judiciaire de l’époque mais aussi ses dysfonctionnements.
On peut se demander si les injonctions contenues dans ces articles seront bien respectées par les justices dites inférieures.
Notons que, dans ce document, l’on ne fait ni mention d’enfants sorciers ni des mesures à prendre contre ceux-ci.
N’y aurait-il pas de jeunes sorciers en pays liégeois ? Rien n’est moins sûr…

2. Les enfants sorciers liégeois

Affaire n°1. 1613, les enfants Genevoix(9)

Le 8 mai 1613, à Hanzinne, François Genevoix, jeune garçon, accusé par Anne Claude(10) est examiné
et confesse ses fautes.
Lors de son interrogatoire, il dénonce ses complices qui ne sont autres que ses deux jeunes sœurs, Marie et Jehenne.
Celles-ci sont à leur tour examinées.
Une confrontation sera également réalisée entre les trois enfants.
Les juges prennent aussi la précaution de les « visiter » pour repérer si l’un ou l’autre de ces accusés
porte la marque du Diable.
Nous ignorons ce qu’il est advenu des deux jeunes filles.
François, quant à lui, se voit condamné, le 11 juin 1613, à être étranglé en prison.
S’il se lave de ses péchés avant le jour de l’exécution, son corps pourra être inhumé en terre consacrée.

Affaire n°2. 1616, le petit Jacques.

Intéressons nous au procès de Jeanne André(11) survenu à Jamioulx en 1616.
Le 17 mars 1616, nous apprenons que cette femme doit se purger dans le mois de sa réputation de sorcière.(12)
Le 14 mai, en la prison de Jamioulx, une certaine Jeanne André est soumise à la torture.(13)
Elle est appliquée à la veille. (14)
C’est à ce moment semble-t-il qu’elle accuse une série de personnes de pactiser avec le Diable.
Parmi ces individus, citons Anne et Marguerite Gérard, sans doute parentes ; Michel Coton ; un petit garçon appelé Jacques dont la grand-mère, Catherine Chabot, a été exécutée comme sorcière ; la femme Danton ; la mairesse
de Vodecée et une mendiante de Villers-Deux-Eglise inculpée par Catherine Chabot.
Le mois suivant, le 7 juin, Jeanne André est condamnée une première fois à la strangulation et au bûcher.
Le 11 juin, elle est soumise une seconde fois à la torture.
Elle subira une troisième fois la Question le 6 juillet. Le 29 juillet, malgré ses dénégations, elle est condamnée
à la strangulation et au feu.
Si elle maintient ses accusations, on arrêtera un petit garçon qui demeure près de la dite Jehenne, une certaine Anne,
épouse d’Etienne Gérard, Marguerite Collet ainsi qu’une femme prénommée Isabeau.
Il apparaît dans cette dernière mention qu’Anne Gérard, accusée « de la première heure », est à nouveau soupçonnée
par la cour de Jamioulx d’actes de sorcellerie.
Avec elle, un petit garçon… S’agit-il du même enfant qui avait été accusé au mois de mai ?
Quoiqu’il en soit les soupçons des juges se resserrent sur un jeune garçon.
Il est intéressant de constater, la « proximité » établie entre l’accusée et les personnes qu’elle dénonce.
Ainsi en mai, Jeanne André dénonce le petit-fils d’une exécutée, Catherine Chabot…
Sorcière dont le procès a sans doute marqué les mémoires de la Cour et de la population locale ?
L’autre enfant, à moins qu’il s’agisse du même, habite non loin du domicile de l’accusée.
On peut également s’interroger sur l’éventuel lien de parenté qui existe entre Anne, l’épouse
d’Etienne Gérard et une certaine Marguerite du même nom, accusée le 14 mai.
Ces deux femmes pourraient bien être belles-sœurs ?… Le 16 octobre 1616, Anne Gérard est arrêtée.
Le registre qui mentionne son incarcération nous indique que cette dernière avait notamment été accusée
par Catherine Chabot.
Cette sorcière précédemment citée a été exécutée à Philippeville.
Quand à Anne, elle est appliquée à la torture le 13 février 1617 et condamnée le 11 mars au bannissement perpétuel
de la principauté de Liège. (15)

Affaire n°3. 1616-1617, les frères Cavée.(16)

Par rencharge du 20 août 1616, les échevins de Liège ordonnent d’arrêter la veuve Martin Cavée, dénommée Jehenne, ainsi que d’autres individus résidant à Leernes.(17)
Le 11 septembre 1616, les échevins demandent que cette dernière, ainsi que Gertrude Modquin, soient mises à la torture
froide et chaude(18).
Le 26 septembre, après avoir confessé ses crimes devant la cour de justice de Leernes et Wespes, Jehenne Cavée
est condamnée à être conduite au lieu de supplice et illecque appliquée à une estache et estre estranglée et bruslée,
tant que mort s’ensuive.(19)
Le travail des juges n’est pas terminé. Suite aux accusations de Jehenne Cavée, plusieurs personnes sont à leur tour
entendues puis jugées.
Parmi elles, Francoy Parent, dont le corps fut réduit en cendres après avoir été brûlé(20), dénonce avant son exécution
les fils de Jehenne :
Martin et Jacques Cavée. Les échevins de Liège paraissent hésiter ou peut-être font-ils preuve de prudence ?
Le 6 avril 1617, ils demandent à la cour de Leernes de connaître la conduite des deux jeunes depuis qu’ils sont emprisonnés. (21)
Le 24 avril, la Souveraine Justice de Liège fait amener les prisonniers en la ferme(22) de Liège, pour y être examinés.
Après avoir entendu les aveux de ces enfants, les échevins font part de leurs instructions à Leernes.
Martin Cavée est condamné à être estranglé tant que mort s’ensuive par le maître des œuvres, à l’intérieur de la prison,
autrement dit en secret. (23)
Son corps devra être enseveli en terre saincte, en cas qu’il meurt repentant. (24)
Quand à Jacques, on devra lui montrer le corps de son frère et lui signifier les causes de sa mort.
Il sera ensuite exorcisé et placé aux frais de la communauté dans un établissement qui se chargera de son éducation.
Mais Jacques Cavée n’est pas quitte avec la justice de la Principauté… Marie du Bourdeau, accusée par la mère Cavée
et exécutée par rencharge du 8 juillet 1617, accuse à son tour Jacques.
Finalement, la cour condamne le garçon, le 4 août 1617, à être étranglé en prison, comme l’avait été son frère.
Durant les derniers jours, précédant son exécution, Jacques Cavée accusa de sorcellerie plusieurs personnes,
parmi lesquelles, son plus jeune frère, Michel Cavée.
Le 11 août 1617, celui-ci est mis à la torture froide et chaude. (25)
Finalement après analyse du dossier, les échevins de Liège décident de relâcher le garçon.

Affaire n°4. 1628, Marguerite Maréchal

Le procès de Marie Beaso s’ouvre à Scry le 26 juin 1628. Marie est alors examinée à l’amiable. (26)
Six jours plus tard, le 1er juillet, elle est condamnée à être étranglée puis brûlée.
Si elle persiste jusqu’au dernier moment dans ses accusations, on arrêtera Jeanne Nuco, Jeanne Gobelet, la femme Charles le Putte, Marie de Berghe ; Isabeau Guillaume, la soeur de Charles le Putte ; Robinette, la femme de Jean Michel
et la petite Marguerite Maréchal. (27)

Chapitre III.

La société et l’enfance. Évolutions

Dans ce chapitre, nous étudierons le contexte social et culturel du village au XVIIe siècle.
Il est important de connaître les acteurs de la vie villageoise.
Ce sont eux en effet qui « alimentent » la répression satanique et, en même temps, en souffrent.
Nous tenterons également de savoir comment l’enfant vit et grandit dans cette communauté ?

1. La sorcellerie, une affaire de femme ?

Les femmes occupent dans la répression de la sorcellerie une place majeure.
Consacrée par la démonologie, l’être de toutes les tentations et perversions, elle occupe également dans la société ancienne une place centrale aussi bien dans la cellule familiale restreinte que dans l’organigramme de la communauté villageoise.
La théorie défendue par les démonologues du XVIIème siècle, assimilant la femme à la tentatrice originelle, apparaît davantage aujourd’hui comme « un arbre cachant la forêt ».
L’image de la vieille sorcière hideuse et méchante, « vivant totalement en marge de sa communauté, dans les brumes d’un marais ou à l’orée d’un bois » (28) apparaît assez caricaturale, bien que toujours célébrée par le folklore populaire.
Cette description ne peut convenir à tous les individus qui sont montés sur le bûcher.
Nous pouvons relever certains procès mettant en cause de très vieilles femmes bien souvent seules et démunies,
plongées dans la plus grande misère.
Toutefois des jeunes mères furent convaincues de sorcellerie(29), des hommes…
Et bien entendu des mineurs.
Mais avant d’entrer dans le collimateur de la Justice, ces femmes, jeunes filles à marier, mères ou grands-mères,
occupaient un rôle dans la communauté.
C’est dans cet espace souvent clos, où tout le monde connaît tout le monde, qu’elles tissent et décousent des liens
entre les individus, au risque parfois d’attiser les soupçons et, par la même occasion, les flammes.
La femme véhicule une double image. Celle de la mère enrôlée dans sa chaumière veillant assidûment sur sa progéniture
en la protégeant et l’éduquant.
– Premièrement, elle conserve, applique et transmet, le plus souvent oralement, un savoir « ancestral » lié à la connaissance
des herbes et de leurs propriétés.(30)
– Deuxièmement, la « maîtresse » de maison s’occupe de l’éducation de ses enfants avant que ceux-ci n’aient l’âge
de quitter la chaumière familiale et de découvrir le lourd tribut quotidien des travaux extérieurs. R. Muchembled
a développé une analyse sociologique sur les mœurs du village de Bouvignies au XVIIème siècle.
Il constate, dans cette étude, le rôle important des parents, et tout particulièrement celui de la mère, sur leurs enfants. (31)
Les garçons notamment appartiennent à l’univers féminin, au moins en partie, jusqu’à l’adolescence.(32)
Ils gardent les animaux et sont ainsi constamment en contact avec le pouvoir féminin, car leurs bêtes
causent fréquemment des dommages dans les jardins, pendant la journée, aux heures où les hommes sont loin
des habitations.
Les querelles et menaces alimentées par les « gardiennes de l’univers domestique », ne sont pas rares.(33)
Les filles sont également fortement influencées par leurs ascendantes, principalement par les femmes plus âgées.
C’est sous leur « houlette » que les plus jeunes apprennent à se comporter selon les exigences
du « code féminin local » et à s’insérer dans le dense réseau social tissé par la communauté féminine.(34)
Les différentes mutations sociales de cette époque tentent de « ravir », entre autres, ces deux prérogatives à la femme.
D’une part avec le développement des travaux de la médecine moderne, d’autre part, avec la Réforme catholique
qui s’attelle à redéfinir ses modes d’enseignement…
Petit à petit la femme perd de son influence et le « pouvoir » de l’oralité s’estompe au profit d’une éducation où l’écrit
joue une grande influence et où les leçons sont professées par des hommes.
C’est dans ce contexte, dans cette lutte entre la tradition et la « modernité », que les chasses aux sorcières s’introduisent au cœur même de la communauté villageoise.

2. Quand les enfants grandissent…

2.1. De la chaumière à la rue

L’initiation au monde extérieur qui conduit les jeunes enfants à quitter la maison familiale, introduit de nouvelles formes
de pressions.
Tensions qui ne cesseront de croître avec l’âge, jusqu’à l’intronisation dans l’univers des adultes.
Les premières crises émises par le jeune peuvent déjà se manifester vers l’âge de sept ans(35).
Lorsque l’enfant est appelé à fréquenter l’école paroissiale ou le catéchisme, il peut être confronté à une scission
s’opérant entre deux mondes contradictoires. (36)
Le milieu parental, que nous savons maintenant lié à un terroir oral plus traditionnel, s’oppose à une scolarité
cultivant l’usage de l’écrit et développant fortement, au moment des grandes chasses aux sorcières,
« la peur du Diable dans les jeunes esprits » (37).
Les premières « missions » léguées au mineur (comme la garde des troupeaux, la confection artisanale,
les tâches ménagères, etc.), les diverses frictions qui peuvent en résulter, assimilées à une éducation basée sur la peur
et la méfiance, peuvent provoquer des « dérapages » de toutes sortes, comme mener le mineur à la délation(38).
L’enfant, « rabaissé » par les réprimantes parentales, trouve le moyen de se mettre en valeur grâce aux possibilités offertes par le « pouvoir éducatif ».
Tout en servant une cause prétendue juste, il trouve le moyen de s’extirper du joug familial, de se venger
d’une autorité parentale injuste ou trop sévère à son goût.
Ce processus s’achemine vers une dévalorisation des rôles traditionnels (en particulier ceux des femmes) au sein
de la société villageoise(39).
Les femmes tentent de s’insérer dans un réseau structuré où elles veulent assurer et revendiquer
une certaine prédominance lors d’une naissance, d’un baptême, d’un mariage,…
Les jeunes, eux, poursuivent leur chemin.
Déjà « petits hommes », ils aspirent plus que tout à franchir le cap qui les consacrera enfin comme « adulte ».

2.2. La rue, lieu d’épanouissement

 

« Un autre espace de vie, non institutionnel, s’offre à l’enfant, la rue.
Enfants de paysans dans les fêtes de Bruegel l’Ancien, bandes enfantines errantes, enfants des processions,
des pèlerinages, des groupes organisés de protestation et de contrôle » (40), la rue devient le lieu privilégié
où les jeunes se défoulent, où ils s’amusent, boivent et s’affrontent.
Mais si des mineurs fréquentent ce lieu, c’est souvent parce qu’ils y travaillent.
C’est par la rue qu’ils fuient les institutions familiale et scolaire. (41)
Apprivoisant au fil des jours le monde coopératif, le jeune découvre et partage très tôt la vie des « grands ». (42)
Si la jeune fille s’alimente des attitudes, des us et coutumes de sa mère et de la communauté féminine, en général,
le jeune garçon s’enrichit au contact de la vie tumultueuse du travail à l’extérieur.
Au cœur du village ou de la ville, il côtoie les hommes et mime leurs comportements…
Pourtant il se sent toujours différent et bien vite il se prend à rêver et à attendre impatiemment son heure.
Certaines bandes sont exclusivement composées de jeunes gens, clercs ou laïcs, célibataires et hommes mariés
que leur âge et leur condition sociale réunissent.
Ces regroupements par affinités de métiers, de conditions, ou de voisinage, reflets des associations d’adultes
du même type, portent en eux les germes de la violence.
Ils sont généralement là pour défendre un territoire et les membres sont unis par des liens très étroits. (43)
Les adolescents aguerris, en âge de revendiquer leur « jouissance » au mariage, ou d’autres plus jeunes, trouvent plusieurs opportunités à participer à ces « assemblées ».
Certes, elles donnent lieu à de nombreux amusements où se mêlent allègrement danse et boisson…
Mais elles peuvent vite dégénérer en « pugilat » où les hommes à marier peuvent affirmer leur différence face aux adultes
ou aux jeunes époux quittant le célibat. (44)
Le mariage est très important car il permet à l’adolescent d’accéder à une reconnaissance.
Il fait passer la femme à un statut de « majeure » et lui donne de nouveaux droits qu’elle ne possédait pas avant,
comme par exemple agir en justice.
Pour l’homme, le mariage suppose une installation professionnelle, l’accès à la vie publique, des responsabilités
liées à son rôle d’époux et de père.(45) 



1 V. ROUSSEAU, Histoire des institutions politiques de Fontaine-l’Evêque sous l’ancien régime et des contestations dont cette ville fut l’objet de 1353 à 1757 entre le comté de Hainaut et la Principauté de Liège, s.l.n.d.
2 M.L. POLAIN, éd., Recueil des ordonnances de la Principauté de Liège, 2e série : 1507-1684, t. II, Bruxelles, 1871, p. 290-291.
3 Le maistre des hautes œuvres signifie le « bourreau ».
4 G. HANSOTTE, Les institutions politiques et judiciaires de la principauté de Liège aux Temps Modernes, Bruxelles, 1987, p. 170.
5 G. HANSOTTE, Les institutions politiques et judiciaires de la principauté de Liège aux Temps Modernes, Bruxelles, 1987, p. 171.
6 Le « décret de prise de corps » équivaut à l’arrestation de l’inculpé.
7 G. HANSOTTE, Les institutions politiques et judiciaires de la principauté de Liège aux Temps Modernes, Bruxelles, 1987, p. 166.
8 G. HANSOTTE, Les institutions politiques et judiciaires de la principauté de Liège aux Temps Modernes, Bruxelles, 1987, p. 172 : Cette cour seigneuriale est la cour du Prince en sa qualité de Seigneur de Liège.
9 J. ERNOTTE, La sorcellerie, autrefois, dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, dans Wallonia. Archives wallonnes d’autrefois, de naguère et d’aujourd’hui, t. XVI, Liège, 1908, p. 113-130.
10 J. ERNOTTE, La sorcellerie, autrefois, dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, dans Wallonia. Archives wallonnes d’autrefois, de naguère et d’aujourd’hui, t. XVI, Liège, 1908, p. 113-130 : Anne Claude reconnue sorcière sera exécutée à Thy le Baudouin.
11 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rencharges des Echevins de Liège, pour l’année 1616, registre n° 327.
12 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rencharges des Echevins de Liège, pour l’année 1616, registre n° 327, f° 116 v°.
13 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rencharges des Echevins de Liège, pour l’année 1616, registre n° 327, f° 126 v°.
14 Soumettre un individu à la veille consistait à l’attacher par le corps et les bras, debout, les pieds touchant le sol, et l’empêcher de dormir pendant un certain nombre d’heures.
15 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rencharges des Echevins de Liège, pour l’année 1616, registre n° 327, f° 158 r°.
16 A. GOSSERIES, Monographie de Leernes, Mons, 1912, p. 109 et suiv ; Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rôle criminel, pour les années 1616-1617, registre n° 260.
17 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rôle criminel, pour les années 1616-1617, registre n° 260, f° 144 v°.
18 La torture froide et chaude consistait à faire ingurgiter à l’accusé une quantité importante d’eau glacée suivie d’une tout aussi importante quantité d’eau bouillante.
19 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rôle criminel, pour les années 1616-1617, registre n° 260, f° 144 v°.
20 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rôle criminel, pour les années 1616-1617, registre n° 260, f° 177 v°.
21 Nous ne savons pas exactement quand les deux garçons ont été arrêtés et menés en prison. Vraisemblablement leur arrestation est postérieure au 31 mars 1617, date à laquelle François Parent est condamné et confirme la participation des frères Cavée aux rites sataniques.
22 Les prisonniers sont amenés en la ferme, cela signifie qu’ils sont conduits « en prison ».
23 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rôle criminel, pour les années 1616-1617, registre n° 260, f° 180 r°-192 v°.
24 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rôle criminel, pour les années 1616-1617, registre n° 260, f° 180 r°-192 v°.
25 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rôle criminel, pour les années 1616-1617, registre n° 260, f° 200 r°.
26 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rencharges des Echevins de Liège, pour l’année 1628, registre n° 328, f° 170 r°.
27 Archives de l’État à Liège, Fond du Grand Greffe des Echevins de Liège, Rencharges des Echevins de Liège, pour l’année 1628, registre n° 328, f° 170 v°.
28 R. MUCHEMBLED, Les derniers bûchers. Un village de Flandre et ses sorcières sous Louis XIV, Paris, 1981, p. 187.
29 R.H. DUTHILLOEUL, Sortilège. Préjugés encore enracinés (1637-1652), dans Archives historiques et littéraires du nord de la France et du Midi de la Belgique, t. I, Valenciennes, 1838, p. 77-96 : En 1637, dans le village de Campeau, placé sous la juridiction civile de la châtellenie de Bouchain, l’épouse de Mathias Bourié est entendue par la Justice. Elle est soupçonnée de crime de sorcellerie. Etant enceinte, elle a été relâchée et placée sous l’obligation de son mari pour pouvoir accoucher. Par après, elle a regagné sa cellule pour que le procès puisse reprendre.
30 Histoire des femmes en Occident, sous la dir. de G. DUBY et M. PERROT, t. III : XVIème-XVIIIème siècles, sous la dir. de N. ZEMON-DAVIS et A. FARGE, Paris, 1991, p. 403 : « L’accusation faite aux sorcières de fabriquer des onguents magiques et maléfiques renvoie à la connaissance que les femmes avaient des herbes et de leurs propriétés, une connaissance souvent jalousement transmise de mère en fille. Les « fonctions » des femmes, enfermées à la maison et tout engagées dans l’éducation des enfants et la bonne marche du ménage, les obligeaient à connaître remèdes et potions. La persécution de la sorcière révèle également le ressentiment de la médecine savante et masculine contre la rivalité d’une médecine populaire et féminine. »
31 R. MUCHEMBLED, Les derniers bûchers. Un village de Flandre et ses sorcières sous Louis XIV, Paris, 1981, p. 191 et suiv.
32 Le fils peut même, dans certain cas, être si attaché à sa mère, qu’il reste vivre à ses côtés bien qu’il ait l’âge pour se marier ; N. GONTHIER, Cris de haine et rites d’unité. La violence dans les villes, XIIIe-XVIe siècle, Thurnhout, 1992, p. 47 : Ce problème peut parfois résider dans l’éducation conférée aux jeunes fils : la tutelle du père n’est pas assez ferme, celui-ci peut être absent ou mort ; le fils peut aussi être trop choyé par sa mère, …
33 R. MUCHEMBLED, Les derniers bûchers. Un village de Flandre et ses sorcières sous Louis XIV, Paris, 1981, p. 191 et suiv.
34 R. MUCHEMBLED, Les derniers bûchers. Un village de Flandre et ses sorcières sous Louis XIV, Paris, 1981, p. 191-194.
35 E. BECCHI, Humanisme et Renaissance dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIe siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 164 : Les enfants commencent à aller à l’école vers sept ans, les classes sont assez nombreuses, sans homogénéité d’âge ni de niveau chez les élèves, les journées longues (on commence tôt le matin), les vacances inconnues (fêtes religieuses exceptées), les locaux défectueux (les écoles occupaient souvent des bâtiments conçus à d’autres fins).
36 R. MUCHEMBLED, Le roi et la sorcière. L’Europe des bûchers, XVe-XVIIIe siècle, Paris, 1993, p. 168 ; E. BECCHI, Humanisme et Renaissance dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIe siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 179 : À côté de ces enfants qui apprennent certains savoirs d’une manière plus ou moins organisée, il existe d’innombrables enfants presque ou complètement analphabètes, plongés dans une culture du savoir-faire dont l’acquisition nous est encore peu connue. Il existe des métiers moins nobles et certainement moins rémunérés où il n’y a aucune occasion d’apprendre l’alphabet : ceux de domestique, de gardien de bestiaux, d’ouvrier agricole, de mendiant ou de maraudeur, par exemple.
37 R. MUCHEMBLED, Le roi et la sorcière. L’Europe des bûchers, XVe-XVIIIe siècle, Paris, 1993, p. 169 : La peur des enfants sorciers était développée dans de nombreuses écoles protestantes ou catholiques, par exemple chez les jésuites d’Hildesheim en 1604 ; H. WEBER, Kinderhexenprozesse, Francfort-sur-le-Main, 1991, p. 208 et 244.
38 R. MUCHEMBLED, Le roi et la sorcière. L’Europe des bûchers, XVème-XVIIIème siècle, Paris, 1993, p. 169 : Certains s’adonnaient à la dénonciation, d’autres participaient à leur mesure aux cérémonies valorisées par l’autorité religieuse et politique qu’étaient alors les exécutions publiques de sorcières.
39 R. MUCHEMBLED, Le roi et la sorcière. L’Europe des bûchers, XVème-XVIIIème siècle, Paris, 1993, p. 170.
« Un autre espace de vie, non institutionnel, s’offre à l’enfant, la rue. Enfants de paysans dans les fêtes de Bruegel l’Ancien, bandes enfantines errantes, enfants des processions, des pèlerinages, des groupes organisés de protestation et de contrôle »40, la rue devient le lieu privilégié où les jeunes se défoulent, où ils s’amusent, boivent et s’affrontent.
40 E. BECCHI, Humanisme et Renaissance dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIème siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 169.
41 E. BECCHI, Humanisme et Renaissance dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIème siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 170.
42 E. BECCHI, Humanisme et Renaissance dans Histoire de l’enfance en Occident de l’Antiquité au XVIIème siècle, sous la dir. de E. BECCHI et D. JULIA, t. I, Paris, 1998, p. 178-179 : Souvent, l’alphabétisation de l’enfant ne se fait pas tant à l’école que dans une boutique, où il a été placé très tôt pour acquérir d’autres compétences : artisanales, artistiques, commerciales, relationnelles. C’est surtout dans ce monde des corporations que l’enfant partage très tôt la vie des « grands » : émulation, travail intense, désobéissance, jeux de hasard tissent la vie quotidienne, et cette absence traditionnelle de différenciation entre l’enfant et l’adulte aura la vie longue.
43 R. MUCHEMBLED, La violence au village (XVème-XVIIème siècle), Turnhout, 1989, p. 221-247.
44 R. MUCHEMBLED, La violence au village (XVème-XVIIème siècle), Turnhout, 1989, p. 226 : « Les noces revêtent un caractère particulier, pour les jeunes gens. Ceux-ci n’y trouvent pas seulement l’occasion de se divertir. Ils peuvent y affirmer vigoureusement leur différence, face aux adultes et aux jeunes époux en train de quitter leur groupe d’âge. »
45 R. MUCHEMBLED, La violence au village (XVe-XVIIe siècle), Turnhout, 1989, p. 226.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait revue N° 2 & N° 3