Le livret d’ouvrier

    Le livret d’ouvrier
de 1802 à 1883.

par Lucienne BERGHMANS

 

 

 

Il m’a semblé que l’histoire sociale, la vraie histoire, si négligée dans les manuels officiels, pouvait intéresser nos lecteurs.
J’ai retrouvé un livret d’ouvrier, appartenant à Pierre Joseph TRIGALET, né le 28 juin 1850 et demeurant à Fontaine-l’Evêque.
Son livret militaire précise qu’il est le fils de Jean François et de GILLARD Constance.
En 1870, il mesure 1,60 m, a les cheveux blonds, les yeux gris, une bouche moyenne, un nez large dans un visage ovale.

 

 

 

Mais à 10 ans, notre petit Pierre, qui ne sait ni lire, ni écrire….s’ en va travailler au charbonnage de Sart-les-Moulins
à Courcelles.
Nous sommes le 6 mai 1861 et son maître l’engage comme journalier.
Il y travaillera jusqu’au 4 septembre 1861.

Suivront d’autres charbonnages :
– du 05/09/1861 au 08/04/1862 : Charbonnages des Propriétaires Réunis à Marchienne-au-Pont
– du 14/04/1862 au 02/07/1862 :
– du 03/07/1862 au 04/04/1865: Ccharbonnages monceau fontaine martinet
– du 04/04/1865 au 16/09/1866: Charbonnages du nord de Charleroi
– du 17/09/1866 au 30/04/1870: Société houillère de Fontaine-l’Evêque
– du 02/05/1870 au 19/06/1871: Idem
– du 21/06/1871 au 17/01/1872: Monceau fontaine et martinet
– du 18/01/1872 au 01/07/1874: Houillère de Fontaine-l’ Evêque
– du 02/07/1874 au 04/07/1879 : Monceau Fontaine (fosse du 12)
– du 07/07/1879 au 30/07/1879: Société anonyme des Charbonnages à Fontaine-l’Evêque (puits n°1)
– du 31/07/1879 au 20/09/1879: Charbonnage Fontaine Martinet (puits n°12)
– du 20/09/1879 au 28/09/1881: Puits n°1, puits n°2
– du 30/09/1881 au 11/10/1884 : Monceau Fontaine Martinet
– du 11/10/1884 au 15/11/1884 : Bonne veine
– du 24/11/1884 au 21/02/1885 : Roux
– du 25/02/1885 au 03/09/1885 : Fontaine-l’Evêque
– etc…

Il termine sa longue carrière au charbonnage du n°12 en 1910.
Pierre Joseph TRIGALET aura travaillé de 1861 à 1910 c’est-à-dire 49 ans !

ORIGINE DES LIVRETS D’OUVRIERS EN BELGIQUE

L’institution des livrets d’ouvriers a son origine, en Belgique, dans la loi du 22 germinal en XI
(avril 1802).
Elle sera maintenue durant la période française et pendant le régime hollandais.

LES ARRETES LEGAUX

Un arrêté du 9 frimaire an XI (novembre 1803) stipule que tout ouvrier devra se pourvoir d’un livret, que le premier feuillet portera le sceau de la municipalité, contiendra le nom et les prénoms de l’ouvrier, son âge, le lieu de naissance, son signalement et le nom de son « maître ».
On précise aussi que tout ouvrier, qui voyagerait sans être muni de son livret ainsi visé, sera réputé vagabond et pourra être arrêté et puni comme tel (article 3 du même arrêté).

Ne peut-on pas considérer que, dans ces conditions, le livret était une marque de servage digne du Moyen-âge ?
Plus loin, l’article 415 du code pénal stipule que toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps
le travail, empêcher de s’y rendre … sera punie d’emprisonnement d’un mois au moins, et de trois mois au plus.
Les chefs ou moteurs d’un emprisonnement d’un à cinq ans.
Les 30 décembre 1840 et le 10 novembre 1845, deux arrêtés royaux furent pris.
Le second nous intéresse plus particulièrement car il supprime le mot « maître » figurant dans l’article de l’an XII et
lui substitue le mot « patron », ce qui était plus moderne.
Mais dans les faits ? Le représentant du patron écrit toujours …

Sorti libre !
Et ce, jusqu’en 1910 !

La fin des régimes des livrets ?
Le régime des livrets d’ouvrier fut aboli par une loi du 10 juillet 1883.
Pourtant, ce ne fut pas la fin du système.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extrait revue N° 25