« EL’BON D’JEU D’BO » par Willy COLSON et Michel MADOË

Calvaire

Calvaire actuel. Photographie A. Arcq de 2009.

Création et histoire des calvaires.

Au IIIème siècle avant Jésus-Christ, un système collégial gouverne l’empire romain, lequel occupait de vastes territoires bien au-delà de l’Italie et depuis sa capitale Rome et cela grâce aux légions militaires, troupes composées d’hommes de toutes origines recrutés dans toutes les régions occupées, bien disciplinés et formés au maniement des armes de l’époque.

Au fur et à mesure de l’occupation de ces vastes territoires lointains, ils créaient de larges routes, souvent rectilignes, sur de grandes distances qui permettaient aux légions un déplacement rapide et une surveillance constante, étant donné les nombreuses peuplades résidant sur ces territoires occupés.

D’autre part, des chemins secondaires de moindre importance et souvent créés par les autochtones croisant ces chaussées romaines étaient améliorés et élargis, permettant une meilleure circulation et l’accroissement du transport.

Un tel chemin existait chez nous à l’époque de l’occupation romaine ; il constituait une liaison entre MONS et NAMUR.

Vieux chemin de Mons à Namur

Vieux chemin de Mons à Namur. Photographie prise derrière le cimetière de Forchies-la-Marche.

Il croisait de multiples sentiers empruntés par les populations et par lesquels il était possible de joindre les nombreux villages de moindre importance. Lors de leur progression, les légions plaçaient des bornes repères le long des chaussées romaines, elles étaient généralement constituées d’une haute pierre massive de forme cylindrique sur laquelle étaient gravées des inscriptions diverses relatives au repérage de l’endroit et à la distance parcourue.

Le long des chemins secondaires et de liaison, c’était souvent de grosses pierres plates gravées de symboles païens.

Un tronçon du chemin précité existe encore à Forchies-la-Marche. Depuis toujours, il s’appelle rue de Namur, frontière entre Piéton et Forchies-la-Marche.

Après la mort du Christ, la propagation lente, progressive, de la nouvelle religion chrétienne, ses adeptes et évangélistes de plus en plus nombreux furent pourchassés, martyrisés et sacrifiés par les Romains et leurs alliés.

Ce n’est que vers 313 à 337 après J-C que l’empereur CONSTANTIN reconstitue l’unité. Il accorde aux chrétiens le droit de pratiquer leur religion.

C’est en 395, à la mort de THÉODOSE Ier, que l’empire romain est définitivement partagé en deux états, l’empire d’Orient, capitale Constantinople, rivale de Rome, capitale d’Occident.

Fin de l’idolâtrie – Naissance des calvaires

C’est vers le IVème siècle que des évangélistes propagent cette nouvelle religion au-delà de la Méditerranée pour atteindre notre région vers la fin du VIème siècle. Tout en propageant la nouvelle doctrine, ils marquaient leur passage en supprimant les édicules aux effigies païennes, remplacés par une modeste croix en bois plantée dans le sol, rappelant ainsi le sacrifice et la mort de J-C. le christianisme est désormais la religion officielle.

Les évangélistes, peu nombreux, avaient pour tâche de propager la nouvelle religion et la croyance en un Dieu unique. Certains progressaient lentement en parcourant des régions entières avant de choisir l’endroit le plus favorable pour propager et instruire les populations à cette nouvelle religion.

Ils sont à l’origine de la création des premiers monastères et de petites chapelles destinées à réunir la population et l’instruire à la pratique de la prière et à la vénération d’un dieu unique à travers J-C.

Avec les années et la pratique de la nouvelle religion et le nouveau symbole que le calvaire représente, il devient un lieu de repos, de recueillement et de prières.

En ce qui concerne l’origine d’un premier calvaire à Forchies-la-Marche, nous n’avons pas trouvé un document permettant de déterminer avec certitude où et à quelle époque un premier calvaire fut implanté à « FORCIES », nom de notre village à l’époque romaine.

Une importante chaussée romaine, la chaussée Brunehaut, joignant Cologne à Bavay, passait près de chez nous. Il est possible qu’un repère ait été placé au croisement des chemins de NAMUR et de HEIGNE dans la zone dite d’EL BLEUSE PIERRE.

Notre premier document officiel consulté est la carte de cabinet des PAYS-BAS AUTRICHIENS (1771-1778) par le Comte de FERRARIS, planche 81, Charleroi. Un calvaire est déjà répertorié à l’angle des chemins de Souvret et de Trazegnies, à l’endroit qu’il occupe aujourd’hui.

Carte Ferraris

Carte Ferraris de la portion qui nous intéresse.

D’après la plan POPP (1865), un calvaire existait au quartier des Ruelles à l’emplacement de l’actuel cimetière. Plus aucun calvaire n’est repris à l’angle des rues de Souvret et de Trazegnies.

Depuis la révolution française, notre pays subissait de nombreux bouleversements de toutes sortes. Vers 1795, les révolutionnaires français instauraient un régime de terreur et de destruction contre ceux qui pratiquaient et représentaient le catholicisme. La population favorable au nouveau régime républicain s’appropria les terres et bâtiments en les rachetant aux nouvelles autorités.

Plan Popp

Plan Popp de Forchies-la-Marche (extrait)

Après réflexion, nous avons imaginé deux possibilités parmi toutes celles élaborées :

1) Suite au bouleversement de 1795, le calvaire aurait été démoli par les révolutionnaires ou déplacé par des personnes respectueuses du symbole qu’il représentait.

2) Après l’exil et la mort de Napoléon 1er, des Filamarchois ont pu remettre en place un calvaire sur un emplacement proche de celui de la première implantation de l’époque romaine (voir le plan Popp de 1865). « EL’BON D’JEU D’BO », appellation wallonne, désignait le calvaire, symbole du catholicisme. Celui implanté sur le site était totalement façonné en bois de chêne.

C’est en 1906 que l’emplacement sur lequel était implanté le calvaire a été racheté au fermier qui en était devenu propriétaire à la révolution française. Ce terrain fut cédé à la fabrique d’église et un calvaire y fut replacé dans sa forme actuelle.

Le monument actuel est en béton, le crucifié en bronze a remplacé l’original restauré, installé dans la nouvelle église de la Sainte Vierge, Place J. DESTRÉE , à la vue des fidèles. Les personnages traditionnels, la Vierge Marie et l’apôtre Jean regardent le Christ. Le calvaire fut restauré en 1946.

Bon D'Jeu

L’ancien Christ de bois se trouvant aujourd’hui dans l’église de la Sainte-Vierge.

Chaque année, le lundi de la Pentecôte, une procession escortée par des marcheurs en costume du 1er Empire et en armes, promène solennellement la statue de la Vierge tenant son enfant dans les bras, lequel tient une colombe blanche dans la main. L’ensemble des participants fait une halte au calvaire pour se recueillir, les militaires présentent les armes et tirent une salve d’honneur avant de repartir pour rejoindre l’église du Sacré Cœur où une légère collation leur sera distribuée.

Le beau grillage en fer qui protège le calvaire est l’œuvre de deux artisans Filamarchois, les frères PAUL, Nestor et Fernand, dont la société fut créée en 1885. La grille qui protège le monument fut posée entre 1918 et 1923.

Le 26 août 1923, lors d’une procession annuelle le doyen a procédé à la bénédiction du nouveau calvaire, réimplanté à l’angle des rues de Trazegnies et de Souvret, où il retrouve son ancien emplacement.

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